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I Muvrini, des voix corses engagées en faveur du monde

En tournée en Corse, I Muvrini, le plus réputé des groupes de polyphonies corses, proche du nationalisme insulaire à ses débuts, assure "être beaucoup plus engagé aujourd'hui", en puisant son inspiration et sa poésie dans la "résistance" à travers le monde.

Sur scène, à Ajaccio cette semaine, I Muvrini ("Les mouflons" en corse), mêle humour et militantisme. Didactique, Jean-François Bernardini, le chanteur-auteur-compositeur qui chante en corse, français ou anglais, cite Gandhi, se moque de Donald Trump. Il rend hommage aux "soeurs athées, catholiques, juives et musulmanes" ou au cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, emprisonné en Russie.

Il traite de la pollution, du terrorisme islamiste, de l'agriculture locale et présente les travaux de son ONG Umani avec laquelle il prêche la non-violence: "En cinq ans, j'ai donné 400 conférences dans plus de 250 villes de France", explique le chanteur lors d'un entretien à l'AFP.

Ce qui l'inspire ? "Les sociétés civiles, tous les gens qui, partout sur la planète, mènent un combat dans un monde où il y a beaucoup de voleurs de lumière", confie celui qui a fondé I Muvrini avec son frère Alain à la fin des années 70, au moment où les revendications identitaires se faisaient de plus en plus vives en Corse.

"Lucioles", le titre de leur 20e album, sorti en octobre 2017 et que le groupe interprète actuellement sur scène avec dix chansons du 21e album à venir, "est un mot de lumière et de résistance. C'est un peu les mots de Pasolini +on va t'apprendre à ne pas briller mais toi, tu brilles quand même+", affirme Jean-François Bernardini.

"Le rêve d'un artiste c'est d'être un peu luciole et de nous transformer tous en lucioles", ajoute celui qui refuse "la chanson décorative, la chanson chewing-gum" et crée une musique poétique mêlant voix puissantes, guitares expressives et...cornemuse.

- "Chanter avec une Syrienne, ça a du sens"-

Proche du nationalisme corse à ses débuts, le groupe "a su à la fois accompagner un souffle et dire non" quand les chemins "n'étaient pas les nôtres", analyse l'auteur-compositeur. "En 1989, quand j'ai vu sous un chapiteau nationaliste qu'on pouvait revendiquer la mort d'un homme, Je me suis dit +là, je ne peux plus venir+".

Il appelle les nationalistes, actuellement au pouvoir dans l'île de Beauté, à se "passionner pour les solutions" sans "s'enfermer dans les petits pièges, avec un regard obstinément fixé sur Paris, en s'imaginant que la fée institutionnelle ou la fée électorale vont régler nos problèmes".

A l'origine centré sur les polyphonies traditionnelles, que les frères Bernardini ont apprises de leur père Ghjuliu, le groupe a, au fil des ans, élargi son répertoire à la variété et aux musiques du monde.

Ils ont chanté avec Sting (pour l'album "Leia", en 1998) ou MC Solaar (dans "Umani", paru en 2002) et plus récemment avec la chanteuse syrienne Lena Chamamyan (dans "Lucioles") ou Grand Corps Malade cet été. "Chanter avec une Syrienne aujourd'hui, qui porte l'âme de sa terre, ça a du sens", souligne le chanteur.

Celui qui veut "reconnecter les justes avec les justes" et affirme faire "de la chanson buissonnière depuis toujours", "en total autoproduction, sans un centime de subvention", concède que "quand on vendait 10 albums, aujourd'hui on en vend 3". "Pour autant, nous avons la force de produire des tournées, d'être les entrepreneurs, les manageurs, les éditeurs, les producteurs de notre musique".

"Quand on vient d'un petit territoire comme la Corse (...) qui a une histoire merveilleuse et une noblesse, et qu'on arrive grâce à ce softpower qu'est la culture à le transmettre, à le mettre en musique, en beauté, c'est merveilleux de voir comme on peut rassembler, faire coïncider les émotions dans le monde".

I Muvrini joue en août en Corse avant une tournée nationale et européenne "d'une cinquantaine de dates" à partir de février 2019 qui s'arrêtera au Casino de Paris le 27 février (www.muvrini.com).

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