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Italie: les populistes font adopter une loi controversée sur le travail

Les populistes italiens au pouvoir depuis deux mois ont fait adopter mardi, sous le feu des critiques, leur première loi majeure qui ambitionne de réformer le marché du travail et de frapper les entreprises abusant de la flexibilité.

Dans la foulée de la Chambre des députés la semaine dernière, le Sénat a avalisé mardi le "décret-loi dignité", avec 155 voix pour, 125 voix contre et une abstention, donnant le feu vert définitif à un texte limitant le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) et pénalisant licenciements et délocalisations.

Ce cheval de bataille de Luigi Di Maio, ministre du Travail et chef de file du Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), est sous le feu des critiques du patronat italien, ainsi que du Parti démocrate (PD, centre gauche).

"Citoyens 1 - Système 0", a tweeté mardi Luigi di Maio, triomphant. Et les sénateurs de sa formation ont qualifié de "révolution culturelle" ce coup porté au "fléau social qui s'appelle la précarité".

"Le ministre du Travail est depuis aujourd'hui le ministre du Chômage", a commenté pour sa part, l'ex-chef du gouvernement Matteo Renzi, l'homme fort du PD, sur les réseaux sociaux. "Grace aux géniales intuitions du ministre Di Maio, nous allons perdre 80.000 postes de travail", a-t-il dit, en reprenant un chiffre des services du gouvernement qui a fait polémique en juillet.

Selon le patronat (Confindustria), les nouvelles mesures vont décourager les investissements et limiter la croissance. Quant au tour de vis sur les CDD, il "risque d'avoir un impact négatif" sur le chômage.

L'Italie est confrontée à un chômage endémique, avec un taux de 10,9% en juin, qui monte à 32,6% pour les 15-24 ans, très au-dessus de la moyenne de la zone euro (16,8% en mai).

Concrètement, il ne sera plus possible de dépasser les deux ans en CDD, contre trois auparavant. En outre, les CDD se verront appliquer une charge de cotisations sociales croissante de 0,5% à partir du premier renouvellement, pour quatre renouvellements maximum.

Seules les personnes faisant le ménage ou s'occupant de personnes âgées sont exclues du dispositif.

Au delà de douze mois, les employeurs devront justifier la prolongation, par exemple pour un pic non prévu d'activité, une mesure source de recours en justice, prédit le patronat. En l'absence de justification valable, le CDD sera transformé en CDI.

- "Jobs Act" balayé -

Les entreprises ne pourront pas en outre totaliser plus de 30% d'emplois temporaires.

Les indemnités pour licenciements abusifs sont également augmentées, tandis que les entreprises procédant à des embauches bénéficieront d'un bonus.

En mars 2017, le gouvernement de Paolo Gentiloni (PD) avait abrogé le dispositif des "vouchers", sortes de chèques emploi service censés lutter contre le travail au noir mais dont la généralisation avait entraîné de nombreux abus.

Le gouvernement populiste a souhaité les réintroduire de manière extrêmement restrictive dans l'agriculture (entreprises jusqu'à cinq employés) et le tourisme (jusqu'à 8 employés), pour dix jours maximum et pour les chômeurs, les étudiants et les retraités.

Cette mesure a été introduite par la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, qui partage le pouvoir avec le M5S, particulièrement à l'écoute des entrepreneurs du nord de l'Italie.

Toute entreprise ayant reçu une aide de l'Etat sera en outre tenue de la rembourser si elle délocalise son activité dans les cinq ans qui suivent. Si cette délocalisation a lieu en dehors de l'UE, l'entreprise devra rembourser de deux à quatre fois le montant de l'aide.

La loi comprend aussi une interdiction de la publicité des jeux de hasard, une disposition qui inquiète les milieux sportifs compte tenu du gros marché des paris sportifs.

Les sénateurs du PD se sont bruyamment opposés mardi à cette révision législative qui balaie le "Jobs Act", grande réforme du marché du travail de M. Renzi.

En vigueur depuis mars 2015, le Jobs Act avait introduit un contrat de travail à durée indéterminée à "protection croissante", qui permettait aux employeurs un licenciement plus facile pendant au moins trois ans mais dont l'impact réel a fait débat.

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