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Droit à l'IVG: l'Assemblée vote son inscription dans la Constitution

L'Assemblée nationale s'est prononcée jeudi en faveur de l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution sur une proposition des députés LFI, revigorés par cette victoire "historique" en plein marasme de l'affaire Quatennens, avant une fin de séance chaotique.

Une ovation debout d'une large part de l'hémicycle a salué cette adoption par 337 voix contre 32, au terme d'un débat tendu avec la droite et l'extrême droite qui avaient déposé des centaines d'amendements.

La route reste toutefois encore longue pour que cette inscription du droit à l'avortement dans la norme la plus élevée de l'ordre juridique soit effective, compte tenu notamment de l'aval indispensable du Sénat.

C'est une "victoire historique pour les femmes en France et dans le monde", s'est réjouie la cheffe de file des Insoumis, Mathilde Panot, qui portait ce texte en tête de l'agenda d'une journée réservée à des propositions de son groupe.

Parmi les textes qu'ils défendaient, les députés La France insoumise ont décidé de retirer au dernier moment leur proposition inflammable d'interdiction totale de la corrida, qui avait fait l'objet comme celui sur l'IVG, de centaines d'amendements.

Ce retrait a permis de commencer l'examen de leur demande de réintégrer le personnel non-vacciné contre le Covid-19 des établissements de santé, pour y pallier les pénuries d'effectifs.

Avec le soutien de députés LR et de du groupe RN, la proposition semblait pouvoir être adoptée. Mais à coups de suspensions de séances et d'amendements, le camp présidentiel a compromis la tenue du vote, déclenchant la colère des oppositions et des élus ultra-marins se sentant "méprisés".

- Combat pas terminé -

Pourtant, élus LFI et du camp présidentiel avaient réussi auparavant à trouver un rare terrain d'entente sur l'IVG, afin de "se prémunir d'une régression" pour les femmes, comme récemment aux Etats-Unis ou parfois en Europe, a plaidé Mme Panot.

Le texte adopté jeudi, fruit d'une réécriture transpartisane, tient en une phrase: "La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse".

Les retouches apportées lors des débats visent à répondre aux réticences de certains députés, liées à la mention contestée du droit à la contraception dans une première version, et à une formulation qui faisait craindre l'instauration d'un droit à l'avortement "sans limite".

"Nous honorons le travail parlementaire par ce vote", a souligné le député MoDem Erwan Balanant, l'un des artisans de ce "dépassement des clivages". "Mais le combat n'est pas fini", a-t-il ajouté, en référence au feu vert à obtenir au Sénat, loin d'être acquis après un vote négatif en octobre.

Aurore Bergé, cheffe de file des députés Renaissance, a décidé de retirer son propre texte sur le sujet. Un "très grand geste", a salué le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, qui a dit son "émotion" après le vote.

Devant les députés, Mme Bergé a livré un témoignage, racontant que sa mère avait eu recours à un avortement qui ne s'est "pas très bien passé", "dans un moment où c'était illégal dans notre pays".

- "Prétextes" -

Malgré ce succès à l'Assemblée, Mme Panot, comme de nombreux députés, a exhorté le gouvernement à présenter son propre projet de loi pour constitutionnaliser l'IVG.

Un texte venant du gouvernement devrait lui aussi obtenir l'aval du Sénat mais, contrairement à une proposition d'initiative parlementaire, il ne nécessiterait pas d'être soumis en fin de course à un référendum. Une épreuve redoutée, tant elle pourrait, craignent certains, mobiliser les réseaux anti-avortement.

Les débats ont duré de longues heures, alors qu'au sein du groupe LR, montaient au front les membres de l'Entente parlementaire pour la famille, favorables à un "équilibre" entre "liberté de la femme" et "protection de la vie à naître".

Le groupe RN, dont des membres ont eu des positions hostiles à l'avortement, a défendu des arguments comparables. "Pas un seul mouvement politique représentatif" n'est contre l'avortement, mais ce droit n'est pas "inconditionnel", avait fait valoir Marine Le Pen, absente au moment du vote, en référence aux délais pour l'IVG et à la clause de conscience des médecins.

Des "prétextes" pour "ne pas dire que vous êtes contre l'avortement", leur a lancé Mme Panot, qui a dénoncé, comme M. Dupond-Moretti, l'"obstruction parlementaire" de la droite et de l'extrême droite avec leurs centaines d'amendements.

LR et RN se sont finalement partagés entre pour, contre et abstention.

Avant sa fin électrique, la séance avait connu des pics de tension concernant le député LFI Adrien Quatennens, accusé de violences conjugales par son épouse. Une affaire que ne se sont pas privés d'évoquer les adversaires des Insoumis dans l'hémicycle.

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