Accueil Actu

Jean-François Ricard, des attentats de 1995 au nouveau parquet antiterroriste

Ce fut un tournant dans sa carrière: à 39 ans, Jean-François Ricard a été chargé en 1995 de l'enquête sur l'attentat de Saint-Michel à Paris. Vingt-quatre ans plus tard, ce magistrat va se plonger dans le jihadisme nouvelle génération en devenant le premier procureur antiterroriste.

Âgé de 62 ans, "JFR", comme beaucoup l'appellent, a la réputation d'être perfectionniste et discret. Et de fait, sur sa vie privée, ce fils de préfet à l'allure athlétique ne dit quasiment rien, confie seulement être passionné d'art moderne. C'est aussi un amateur d'escalade, tout comme François Molins, ex-procureur de Paris qui a été la figure publique de l'antiterrorisme face aux attentats qui ont endeuillé la France à partir de 2015.

Nommé jeudi à la tête du nouveau parquet national antiterroriste (PNAT), Jean-François Ricard semble en revanche intarissable sur ses débuts dans les dossiers terroristes. "On m'a proposé en 1994 de rejoindre la section antiterroriste. Cela me paraissait être un challenge intéressant", raconte à l'AFP le magistrat qui avait démarré sa carrière douze ans plus tôt comme juge d'instruction à Arras avant d'être nommé à Bobigny.

"Je suis arrivé à une période déterminante: c'était les tout premiers dossiers islamistes et personne ne connaissait vraiment la question. (...) On n'avait pas alors idée de l'ampleur (du phénomène, ndlr)".

Il est resté douze ans à la galerie Saint-Eloi, cette aile du palais de justice où œuvraient les juges d'instruction du pôle antiterroriste. Jean-François Ricard fait alors équipe avec Jean-Louis Bruguière, le patron de la section. Il se plonge dans l'islam radical. "Si on ne comprend pas un peu l'arabe et si on n'a pas lu le Coran, on ne comprend rien", lance le magistrat.

"C'était un travailleur acharné, très perfectionniste", se souvient Jean-Louis Bruguière. "C'était la cheville ouvrière de Bruguière. Sur la partie terrorisme islamiste, il était "très pointu", raconte un journaliste habitué de la galerie Saint-Eloi dans les années 2000. "Il avait un côté bon élève".

De permanence le 25 juillet 1995, il est chargé de l'enquête sur l'explosion d'une bombe dans le RER B à la station Saint-Michel. L'attentat, revendiqué par le groupe islamique armé (GIA), a tué huit personnes. "C'était différent (des dossiers précédents, ndlr): un attentat avait été commis. Il fallait mettre fin à cette campagne" d'attaques, raconte Jean-François Ricard.

En décembre 1996, c'est la station Port-Royal qui est visée. Ce dossier est encore "une frustration" pour le magistrat: "C'est un attentat ni revendiqué, ni expliqué".

- Le défi du nouveau jihadisme -

Parmi les autres dossiers qu'il a traités: l'affaire du "gang de Roubaix", le projet d'attentat à la cathédrale de Strasbourg, le soutien aux assassins de Massoud, les filières tchétchènes ou irakiennes.

L'avocat Dominique Many se souvient d'un magistrat "très compétent": "C'est tout juste s'il ne nous sortait pas des numéros de cote par coeur dans des dossiers de plusieurs tomes".

Mais Me Many a "encore en travers de la gorge" des télégrammes diplomatiques de l'ambassade des Etats-Unis à Paris révélés fin 2010 par WikiLeaks. Selon ces dépêches, Jean-François Ricard et Jean-Louis Bruguière informaient l'ambassade américaine de l'enquête sur les anciens détenus de Guantanamo. L'avocat continue de dénoncer "une instruction uniquement à charge" et "la déloyauté" du magistrat.

En 2006, Jean-François Ricard est détaché auprès du ministère de la Défense. Puis en 2009, il devient avocat général à la cour d'appel de Paris et requiert en 2013 au procès du terroriste Carlos. Depuis 2015, il était conseiller à la Cour de cassation.

Le magistrat réfute avoir été "le promoteur" du parquet national antiterroriste mais explique "avoir fait partie de ceux qui ont réfléchi" à de nouvelles options face à "l'explosion de la menace". Ce n'était pas, assure-t-il, contre François Molins, pour lequel il dit avoir "un énorme respect" et dont il salue l'action face à la vague jihadiste. "Comment a-t-il fait?", interroge-t-il, visiblement admiratif.

Pour "JFR", le défi va être de se plonger, treize ans après avoir quitté la galerie Saint-Eloi, dans un nouveau jihadisme. "Il y avait déjà la matrice de ce qu'on voit aujourd'hui il y a 25 ans", assure-t-il.

À lire aussi

Sélectionné pour vous