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Josu Ternera, le "grand-père" d'ETA

Des attentats meurtriers aux négociations secrètes avec Madrid, Josu Ternera, dont la justice française a ordonné mercredi l'assignation à résidence sous surveillance électronique, a été l'un des dirigeants les plus importants de l'organisation séparatiste basque ETA.

"ETA (...) veut informer le peuple basque de la fin de sa trajectoire". C'est par ces mots, le 3 mai 2018, que Jose Antonio Urrutikoetxea Bengoetxea, son vrai nom, a annoncé dans un message audio la dissolution de l'organisation à laquelle est imputée la mort de 853 personnes en quatre décennies de violence.

Né en 1950 dans un village non loin de Bilbao, Ternera a rejoint l'ETA dès la fin des années 1960.

Après avoir notamment participé, selon la presse, durant ses premières années d'activisme au vol des explosifs utilisés dans l'attentat meurtrier en 1973 contre l'amiral Luis Carrero Blanco, homme fort du régime franquiste, il monte rapidement les échelons au sein d'ETA. Jusqu'à en arriver au sommet à partir de la fin des années 1970.

Ternera "a associé son nom de manière indélébile à l'histoire macabre de l'organisation terroriste" dont "il a été l'un des principaux dirigeants pendant des décennies" lorsqu'ont eu lieu "une grande partie des pires atrocités commises par l'organisation", écrit Florencio Dominguez, directeur du Centre sur la mémoire des victimes du terrorisme, dans la biographie "Josu Ternera, une vida en ETA".

"Il a pris rapidement le pouvoir à la fin des années 1970 et a été un des chefs d’ETA au moment des attentats les plus meurtriers dans les années 1980", abonde Gorka Landaburu, directeur du magazine Cambio16 et rescapé d'un attentat de l'ETA.

L'Espagne le réclame notamment pour son implication présumée dans un attentat contre une caserne de la garde civile, qui avait fait 11 morts en 1987 à Saragosse (nord).

"Ternera, c'était l'+abuelo+ (grand-père) de l'organisation (...) respecté pour sa trajectoire" même lorsqu'il a été écarté par les plus radicaux au milieu des années 2000, ajoute Gorka Landaburu.

Arrêté en 1989 en France, il y est condamné à dix ans de prison. Expulsé vers l'Espagne en 1996, il repart derrière les barreaux avant d'être libéré en 2000.

Durant son incarcération, il est élu en 1998 député régional d'Euskal Herritarrok, coalition séparatiste radicale. Le profil du "dur" devient alors plus politique.

Mais convoqué par la justice espagnole en 2002 pour être entendu dans l'enquête sur l'attentat de Saragosse, il repart dans la clandestinité et est arrêté, après plus de 16 ans de cavale, le 16 mai 2019 sur le parking d'un hôpital des Alpes françaises.

Souffrant d'un cancer selon les médias espagnols, il s'y rendait pour être soigné.

- Interlocuteur central de Madrid -

"Après avoir +brûlé+ son identité de militant actif (après son arrestation en France en 1989), il devient plus politique" et "sert de pont" entre les branches armée et politique du mouvement, souligne Jose Luis Orella, professeur à l'université madrilène CEU San Pablo.

"Le prestige et le poids qu'il avait eus au sein de l'organisation terroriste et qui l'avaient amené à avoir un rôle de premier plan au sein de la gauche abertzale (séparatiste basque) en ont fait l'un des meilleurs interlocuteurs du gouvernement" espagnol, ajoute l'universitaire.

Ternera avait en particulier joué un rôle de premier plan dans les discussions secrètes tenues en Suisse ou en Norvège avec des émissaires du gouvernement socialiste de Jose Luis Rodriguez Zapatero à partir de 2005, avant d'être écarté en 2006 par les plus radicaux.

Mais malgré sa mise à l'écart, Josu Ternera aura été jusqu'au bout un "élément clé" de la fin d'ETA, disait en mai l'ex-patron des socialistes basques Jesús Eguiguren, qui a participé aux discussions secrètes avec ETA. "Il montrait qu'il voulait vraiment en finir avec le terrorisme".

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