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Juger des crimes sans jurés: début du premier procès devant une cour criminelle, à Caen

Petite révolution judiciaire: le premier procès devant une cour criminelle, une nouvelle juridiction permettant de juger des crimes sans jury populaire, s'est ouvert jeudi matin à Caen.

Pas de tirage au sort de jurés pour ce procès pour "tentative de viol". Cinq magistrats font face à l'accusé, un homme de 36 ans à la carrure massive. Si l'affaire avait été audiencée devant une cour d'assises, il aurait été jugé par trois magistrats et six citoyens tirés au sort, un héritage de la Révolution française.

L'audience démarre avec des explications de la présidente, Jeanne Cheenne. "Pour la première fois en France s'ouvrent des débats judiciaires devant une cour criminelle. (...) Cette juridiction est composée exclusivement de magistrats professionnels. Elle jugera les crimes punis de 20 ans de réclusion au maximum, la cour d'assises composée de jurés étant elle en charge des crimes punis plus sévèrement".

Créées par la récente réforme de la justice, ces cours sont une nouvelle forme de juridiction, entre les assises (où sont sanctionnés les crimes passibles d'au moins dix ans et jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité) et les tribunaux correctionnels (où un juge et deux assesseurs jugent des délits, jusqu'à 10 ans d'emprisonnement).

Ces cours criminelles jugeront principalement les viols et les vols à main armée, soit environ 57% des affaires jugées aux assises. Expérimentées pendant trois ans dans sept départements, elles visent à répondre à l'engorgement chronique des cours d'assises et à raccourcir les délais de jugement.

Elles sont vivement critiquées par des avocats pénalistes, qui dénoncent une justice au rabais et une régression démocratique.

L'accusé jugé jeudi à Caen a accepté de comparaitre devant cette nouvelle juridiction. "Il pensait que le professionnalisme des juges était une très bonne chose pour lui", a expliqué à des journalistes son avocate Sophie Lechevrel. "Ça va durer une journée et ça l'arrange", a-t-elle ajouté avant l'ouverture du procès.

Contrairement à de nombreux confrères, Me Lechevrel estime que la cour criminelle "est une très bonne expérience". "On va se poser des questions: est-ce que l'avocat pourra plaider de la même façon que devant la cour d'assises? Quid des experts qui ne seront pas présents car on va lire leurs rapports d'expertise? Quid du recul de la démocratie, car ce ne sont plus des jurés?".

L'avocate espère que ces nouvelles cours permettront de mettre un terme aux correctionnalisations, "très regrettables pour les victimes de viol". De nombreux dossiers criminels, principalement des viols, sont en effet requalifiés en agressions sexuelles pour être jugés devant des tribunaux correctionnels, à cause de l'engorgement des assises.

Cette nouvelle juridiction pourrait-elle être défavorable aux accusés? "Il faut être vigilant mais les avocats sont là pour ça. Il faut veiller à ce que l'intérêt de mon client soit garanti, que je puisse m'exprimer autant que possible, que mon client puisse s'exprimer comme il le souhaite".

Le verdict sera rendu jeudi soir.

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