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Loi de sécurité publique: ultime feu vert de l'Assemblée

En pleine controverse sur les violences policières, les députés ont donné leur ultime feu vert mercredi au projet de loi de sécurité publique, qui assouplit notamment les règles de légitime défense pour les policiers.

Ce dernier texte sécuritaire du quinquennat, qui sera soumis à un dernier vote au Sénat jeudi, a été adopté par 34 voix contre cinq.

Présenté comme une réponse législative (à côté d'un plan matériel de 250 millions d'euros) aux manifestations policières de l'automne suite aux attaques au cocktail molotov de Viry-Châtillon (Essonne), il a été paradoxalement voté en pleine polémique après l'affaire Théo d'Aulnay-sous-Bois.

La principale mesure est d'aligner les règles de légitime défense des policiers sur celles des gendarmes, qui disposent d'une plus grande marge de manoeuvre.

Le texte liste cinq situations où les forces de l'ordre (ainsi que les douaniers et les militaires de l'opération Sentinelle) pourront utiliser leurs armes: face à la menace de personnes armées; lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent; lorsqu’une personne cherche à échapper à leur garde, qu'ils ne peuvent l’arrêter autrement et qu’elle présente une menace; lorsqu’ils ne peuvent arrêter autrement un véhicule présentant une menace; et enfin dans le but d'interrompre un "périple meurtrier".

Mais la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme, qui exigent des conditions "d’absolue nécessité" et de "stricte proportionnalité" pour l'emploi des armes, "a déjà considérablement unifié ce régime", a relevé Marc Dolez pour le Front de gauche, seul groupe à voter contre. Il a dit craindre, à l'instar des syndicats de magistrats, que ce texte ne donne "l'illusion" aux policiers de pouvoir utiliser plus facilement leur arme.

Tout en soutenant "ce texte tardif", la droite a regretté qu'il ne soit étendu aux policiers municipaux que dans le cas de la menace de personnes armées et non par exemple lors d'un "périple meurtrier". Le président de la commission des Lois Dominique Raimbourg (PS) a fait valoir que dans le cas d'interruption d'un "périple meurtrier", cela nécessiterait "une très forte coordination avec les forces de police et de gendarmerie qui n'existe pas à ce jour".

- Risque de "creuser le fossé" -

Autre point fort, le doublement des peines prévues pour outrage aux forces de l'ordre pour les aligner sur celles aux magistrats, passibles d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende. Les peines pour refus d'obtempérer ont été également aggravées à un an d'emprisonnement et 7.000 euros d'amende. Pour le défenseur des droits Jacques Toubon, cette mesure risque de "creuser le fossé déjà existant entre la force publique et la population", alors que la réponse pénale pour ces faits est déjà quasi-systématique.

Enfin, comme en matière antiterroriste, le texte rendra possible l'anonymat des enquêteurs (identifiés par leur seul matricule) dans certains actes de procédure pour les protéger ainsi que leur famille, en dépit des critiques du barreau de Paris pour qui cela "remet en question le respect du contradictoire".

A la dernière minute, députés et sénateurs ont ajouté lors de la commission mixte paritaire lundi un nouvel article au texte, celui de délit de "consultation habituelle" de sites jihadistes, censuré par le Conseil constitutionnel vendredi.

Les "Sages" avaient estimé que ce délit, créé par la loi pénale du 3 juin 2016, portait atteinte aux libertés fondamentales alors que la France était déjà dotée d'un arsenal législatif conséquent contre le terrorisme.

Mais le président de la commission des lois du Sénat Philippe Bas (LR) a tenu à réinscrire ce délit en l'assortissant d'une condition selon laquelle cette consultation habituelle "doit être accompagnée d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ces sites", pour tenir compte des observations des Sages.

Tout en estimant la rédaction "toujours fragile juridiquement", la gauche n'a pas souhaité en faire un obstacle à l'accord. Et M. Raimbourg a précisé que cet ajout inhabituel en fin de procédure était "régulier" car il s'agissait de tenir compte d'une décision du Conseil constitutionnel.

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