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L'"énorme ras-le-bol" des gardiens de prison

Petits salaires, familles éloignées, insultes et menaces quotidiennes... derrière la grogne, les surveillants de prison racontent l'épuisement d'une profession ingrate que "personne" ne fait par vocation et que beaucoup cherchent à quitter.

L'agression de trois gardiens à Vendin-le-Viel (Pas-de-Calais) par un détenu islamiste jeudi a déclenché un mouvement national de blocage de prisons et de grogne des surveillants, ravivé par deux nouvelles agressions à Mont-de-Marsan (Landes) et Tarascon (Bouches-du-Rhône) lundi et mardi.

Derrière la colère, "un énorme ras-le-bol", affirme Leslie, 37 ans, gardienne de prison à Fleury-Mérogis (Essonne) depuis trois ans.

Si les agressions physiques restent relativement rares, "les insultes, les menaces de mort, c'est notre quotidien", raconte-t-elle. La peur de ce qui peut se passer dehors aussi : "Ici c'est une maison d'arrêt, les peines sont courtes, on sait qu'on va les recroiser", dit son collègue Jo (nom d'emprunt).

Face à la surpopulation carcérale et aux sous-effectifs d'un métier "qui n'attire plus", ils dénoncent le manque de moyens: un surveillant seul "avec son sifflet" pour 80 à 90 détenus à Fleury-Mérogis, une centaine à Fresnes (Val-de-Marne) occupée à 200% de sa capacité...

C'est devenu "ingérable", raconte Xavier (nom d'emprunt), qui a travaillé cinq ans à Fresnes. "Une centaine de détenus, c'est autant de mouvement à gérer, vers le parloir, l'infirmerie, les promenades, pour la cantine, la douche... En six heures, j'avais l'impression d'en avoir fait douze", dit-il.

"La prison ne fait plus peur", ajoute Pascal, surveillant dans les Yvelines. "C'est devenu un centre de vacances, et nous les surveillants on est des majordomes", dit Fred, à Fleury-Mérogis. "Les détenus étaient beaucoup plus respectueux avant, il n'y avait pas de violence gratuite", complète Michel (nom d'emprunt), gardien de prison en Ile-de-France qui a vu ses conditions de travail se détériorer en dix-sept ans de carrière.

Outre un quotidien usant, tous décrivent les "frustrations" du métier : les familles qu'ils voient peu, la vie de couple qui "en pâtit", les "heures à la pelle" dont beaucoup de nuit, les très nombreux week-ends travaillés, les plannings imprévisibles... "1.500 euros pour ça", lâche Elisa, "seule" en région parisienne comme beaucoup de ses collègues qui ont quitté leur région pour leur travail.

- "On est seul" -

"Même les détenus se moquent de nous +eh, surveillant ce que tu fais (en un mois), je le fais en une journée+", soupire Jo.

Dans de telles conditions et si l'administration "fait tout pour faire traîner les procédures de détachement", la fuite des agents vers d'autres métiers de la fonction publique est inévitable, admet Erwan Saoudi, délégué FO à la maison d'arrêt de Villepinte.

Face à la "pression", Xavier (nom d'emprunt) a quitté le milieu carcéral pour la police municipale il y a deux ans. Les détenus "ont commencé à chercher un peu mes habitudes, à quelle heure je finissais, le type de voiture, si j'avais des enfants (...) je me suis dit qu'il fallait que je parte avant qu'il ne se passe réellement quelque chose", raconte-t-il.

Pour être policier municipal, il n'a eu que "deux entretiens à passer", le concours de la pénitentiaire étant équivalant à celui de la police municipale. Outre le confort d'une augmentation de 400 euros pour mois, il a vécu ce changement de carrière comme "une libération".

"Sur la voie publique, on est toujours deux ou trois, on a des renforts rapidement. En prison, on est seul", face à des détenus "qui n'ont plus rien à perdre", qui "se fichent de balancer une casserole, de l'huile bouillante ou de planter quelqu'un", dit-il.

Douanes, impôts, police.... "Toutes les autres administrations ont des salaires plus attractifs et des conditions de travail plus agréables", complète Arnaud Arame, délégué CGT à Fleury-Mérogis.

"Personne n'a la vocation", tranche Fred à Fleury-Mérogis, pour qui "tout le monde essaie de se barrer".

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