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A Washington, l'évasion fiscale accapare la planète finance

L'onde de choc des "Panama Papers" s'est propagée jeudi jusqu'à Washington avec un appel européen à s'attaquer aux paradis fiscaux, au moment où la planète finance tente de relancer une croissance en panne guettée par le "Brexit".

Cinq grands pays européens, dont la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, ont profité de la caisse de résonance des assemblées du printemps du FMI et de la Banque mondiale pour exhorter leurs partenaires du G20 à créer une nouvelle liste noire des paradis fiscaux assortie de "mesures de représailles".

Dans une lettre publiée jeudi, ce groupe baptisé "G5" a dit vouloir forcer la main des territoires non-coopératifs mais également mettre fin au secret entourant les sociétés-écrans localisées dans des places offshore en créant un registre international.

"Nos administrations fiscales, les autorités compétentes doivent pouvoir connaître les propriétaires réels des diverses entités juridiques et leurs bénéficiaires réels", a déclaré le ministre français des Finances Michel Sapin lors d'une conférence de presse commune.

L'initiative européenne, à laquelle l'Italie et l'Espagne sont associées, vise plus précisément à mettre un terme au système qui permet de créer des sociétés sans dévoiler l'identité de leurs ayants-droits.

"Des paroles de condamnation ne suffisent pas (...), il faut une action internationale maintenant", a ajouté le Chancelier de l'échiquier britannique George Osborne.

Il s'agit de la première réponse coordonnée aux révélations des "Panama Papers" qui ont mis au jour un vaste système d'évasion fiscale via des sociétés écrans localisées dans des territoires opaques.

Cette proposition risque toutefois d'être accueillie fraîchement par les Etats-Unis où certains Etats (Delaware, Wyoming...) garantissent l'anonymat des ayants-droits de sociétés offshore.

Une nouvelle action internationale est toutefois nécessaire après les différents efforts entrepris depuis 2009 quand une précédente liste noire avait été établie. "C'est un travail inachevé", a affirmé la patronne du FMI Christine Lagarde.

Accentuant la pression, un rapport d'Oxfam a révélé jeudi que les cinquante plus grandes entreprises américaines avaient mis à l'abri quelque 1.400 milliards de dollars, soit l'équivalent de la moitié du produit intérieur brut français, dans des paradis fiscaux pour alléger leurs impôts.

- Transition chinoise -

Ce ne sera toutefois pas le seul sujet de discussion des ministres des Finances des pays du G20, qui se réunissent jusqu'à vendredi midi dans la capitale américaine.

Sur le front économique, la menace la plus imminente vient du Royaume-Uni qui pourrait décider fin juin par référendum de quitter l'Union européenne, un scénario qui affole les milieux d'affaires et les grandes chancelleries.

"C'est un long mariage qui unit les membres de l'Union européenne et j'ai l'espoir qu'il ne se brise pas", a déclaré Mme Lagarde, appelant à maintenir le dialogue "comme dans tous les mariages" et à "s'élever au-dessus" des intérêts nationaux.

La croissance économique mondiale continue par ailleurs de donner d'inquiétants signes d'essoufflement, sous le poids du ralentissement chinois et du coup de mou des autres pays émergents.

Selon le FMI, les "vulnérabilités" vont croissantes dans le pays, notamment celles touchant les entreprises dont l'état de santé déclinant pourrait causer des pertes bancaires de 1.300 milliards de dollars.

L'onde de choc du ralentissement chinois continue par ailleurs de se faire sentir sur le globe, notamment dans les pays émergents habitués à exporter leurs matières premières vers Pékin.

Il y a "de puissants vents contraires", a assuré la Banque mondiale.

Que faire pour les dissiper ? Les ministres des Finances et banquiers centraux de 189 pays qui sont réunis à Washington devraient de nouveau défendre les fameuses "réformes structurelles" pour libérer la croissance. Mais le coeur ne semble pas y être.

Les réformes structurelles "sont comme le yéti, beaucoup prétendent les avoir vues mais on ne sait pas vraiment si elles existent", a récemment assuré une source proche du gouvernement allemand.

La marge de manoeuvre des gouvernements semble par ailleurs se réduire dangereusement.

Les politiques monétaires sont déjà "usées jusqu'à la corde" dans les grandes économies, selon le FMI, et certains pays comme l'Allemagne appellent déjà à amorcer une normalisation après des années de politique expansionniste.

La situation est particulièrement tendue en Europe où la crise des migrants a par ailleurs mis à l'épreuve la cohésion entre les 28 et requiert une réponse internationale rapide.

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