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L'extrême droite autrichienne poussée à l'examen de conscience

La coalition autrichienne formée par la droite et l'extrême droite a essuyé sa première tempête: l'affaire liant des chants nazis au parti du vice-chancelier a ébranlé l'image du gouvernement et plongé le pays dans l'introspection.

Après une longue semaine de polémiques, le scandale Udo Landbauer s'est soldé par la démission jeudi de cet élu régional du parti d'extrême droite FPÖ, également co-dirigeant d'une corporation pangermaniste qui avait édité un livre de chants dont certains faisaient l'apologie du Troisième Reich.

Mais cet épilogue ouvre un champ explosif de réflexions pour le FPÖ du vice-chancelier Heinz-Christian Strache et pour le chef de gouvernement conservateur Sebastian Kurz, mis au défi de clarifier ses "lignes rouges".

Ainsi que pour l'Autriche, gouvernée depuis décembre par une coalition entre le FPÖ et les conservateurs, et de nouveau confrontée aux failles de son travail de mémoire après avoir été étroitement associée aux crimes du nazisme.

L'un des chants incriminés comportait notamment la strophe "mettez les gaz, vieux Germains, ont peut arriver au septième million", une allusion aux six millions de juifs assassinés sous le Troisième Reich, notamment dans les chambres à gaz.

Découvert par la presse, ce livre a été publié en 1997 et "c'est là le plus gros scandale", a expliqué au quotidien Kurier l'historien Stefan Karner : "Après tant de recherches, d'expositions, de discussions avec des rescapés de l'Holocauste dans les écoles (...) Qu'avons-nous fait de travers ?".

La réponse, selon le politologue Matthias Falter, tient au "travail de mémoire tardif et incomplet de l'Autriche sur les crimes nazis. Dans les années 50 et 60, quasiment aucun procès ne s'est tenu, la mémoire était imprégnée du souvenir des soldats morts au combat".

- 'Première victime' du nazisme -

Pendant cette période, à la différence de l'Allemagne, l'Autriche a éludé sa complicité dans les crimes nazis, se présentant comme la "première victime" d'Hitler, après son annexion par le Troisième Reich en 1938.

Le tournant, explique à l'AFP M. Falter n'est intervenu qu'à la fin des années 80, avec le débat international suscité par l'affaire Waldheim -- la révélation du passé nazi de Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l'ONU et président autrichien de 1986 à 1992.

Le scandale Landbauer a provoqué une vague d'indignation dans le pays et M. Kurz a insisté sur "responsabilité historique particulière" de l'Autriche dans l'Holocauste.

Mais à la différence des partis conservateurs et sociaux-démocrates qui ont désormais globalement fait leur examen de conscience historique, le FPÖ, un parti créé par d'anciens nazis, n'a pour l'instant pas franchi ce pas.

Plusieurs éditorialistes n'ont ainsi pas hésité à comparer l'insistance de M. Landbauer, 31 ans, à vouloir intégrer l'exécutif de Basse-Autriche malgré la polémique, à l'aveuglement de M. Waldheim, élu sous les couleurs de l'ÖVP et qui refusa de considérer sa responsabilité morale et de démissionner.

"Direction le divan du docteur Freud: la capacité à gouverner du FPÖ, dont Strache doit absolument faire la preuve, va se mesurer à sa capacité à se soumettre à l'analyse et au travail sur le passé", écrit le journal conservateur Die Presse.

- Réseaux nationalistes -

Le vice-chancelier de 48 ans, qui a lui-même flirté avec la mouvance neonazie dans sa jeunesse, a poli ces dernières années le discours du FPÖ, après sa prise de contrôle du parti face à Jörg Haider en 2005 .

Mais son emprise sur la formation repose notamment sur des membres des "Burschenschaften", des corporations nées pour la plupart au 19e siècle et régulièrement accusées, pour certaines, de colporter des idées ultranationalistes pangermanistes.

Leurs membres, dont M. Strache, ne sont pas plus de 4.000 en Autriche selon les experts, sont ainsi surreprésentés au FPÖ, composant plus d'un tiers des 51 députés et implantés dans les cabinets ministériels.

La corporation Germania de Wiener Neustadt, près de Vienne, dont M. Landbauer était un dirigeant, appartient à ce réseau. Sebastian Kurz souhaite désormais obtenir sa dissolution.

Inaugurant fin janvier le grand bal annuel de ces corporations, M. Strache a formellement souligné que les négationnistes et les antisémites n'y avaient pas leur place. Il a aussi dit souhaiter que des historiens travaillent sur le passé du FPÖ, une première de la part d'un dirigeant de ce parti.

"Les recherches sur le FPÖ et l'extrême droite sont déjà suffisamment nourries et une affaire type +Landbauer+ n'a rien de surprenant", relève toutefois Matthias Falter.

Reste que pour le magazine Profil, Udo Landbauer est "le visage d'une génération dépourvue de sens de l'histoire".

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