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L'UE ouvre la bataille de son budget post-Brexit

Coupes dans les fonds européens, nouvelles conditions d'éligibilité, hausse des contributions nationales: la Commission européenne va mélanger des ingrédients explosifs dans le projet qu'elle dévoilera mercredi pour les budgets post-Brexit de l'UE.

Avec sa proposition, Bruxelles lance une course contre la montre, en appelant Etats membres et Parlement européen à boucler leurs négociations avant les élections européennes de mai 2019, soit deux mois après le divorce avec le Royaume-Uni.

Une gageure, vu les divergences et lignes rouges déjà affichées par certains pays, soucieux de ne pas mettre davantage la main à la poche ou de préserver les parties du budget dont ils bénéficient actuellement, lors de la période 2021-2027.

Ils "vont devoir assumer les ambitions affichées pour relancer l'UE" à 27 après le Brexit, prévient un responsable qui a participé à la préparation du futur "cadre financier pluriannuel" au sein de la Commission de Jean-Claude Juncker.

L'enveloppe de la période en cours (2014-2020) avait été fixée, au terme de tractations tendues, à quelque 1.000 milliards d'euros -- un chiffre impressionnant mais ne représentant que 1% du Revenu national Brut (RNB) cumulé des Etats membres.

Cette fois, le départ britannique rend l'équation encore plus complexe, en laissant un "trou" entre 12 et 14 milliards d'euros par an dans les finances européennes, selon les estimations de Bruxelles.

La rupture avec ce "contributeur net" tombe d'autant plus mal que l'UE cherche à financer de nouvelles politiques, en matière de défense ou de migration notamment.

Pour mieux protéger les frontières extérieures de l'UE, la Commission veut ainsi "plus que quintupler" les effectifs de l'agence Frontex après 2020, pour les porter à près de 6.000, selon une source européenne.

-'Moins de 10%'-

La solution est un cocktail d'économies et de nouvelles ressources, plaide le commissaire au Budget, l'Allemand Günther Oettinger, souhaitant que le budget puisse grimper de 1% aujourd'hui à "entre 1,1 et 1,2%" du RNB de l'UE.

"Il va falloir faire des coupes", a-t-il aussi prévenu en visant la Politique agricole commune (PAC), pilier historique de la construction européenne, et les fonds de cohésion versés aux régions les plus pauvres, deux domaines représentant respectivement 37% et 35% du budget de l'UE.

La Commission proposera "des réductions modérées", "en-dessous de dix pour cent", selon une source européenne. Elles seront néanmoins difficiles à accepter dans plusieurs pays, et en particulier en France, dont les agriculteurs sont les principaux bénéficiaires des aides directes de la PAC.

Paris est prête à défendre une "réforme assez substantielle", mais "le filet de sécurité indispensable des aides directes pour les agriculteurs ne peut pas être affecté", prévient une source diplomatique.

Les pays de l'Est sont eux déjà vent debout face aux coupes dans les fonds de cohésion, qui pourraient être réorientés vers des pays subissant un fort chômage des jeunes, comme l'Espagne ou l'Italie.

-'Pression politique'-

Et certains se sentent directement menacés par le projet, confirmé par la Commission, de lier versement de fonds européens et respect de l'Etat de droit. La Pologne, accusée par Bruxelles de bafouer l'indépendance de la justice, et la Hongrie, critiquée pour ses dérives "illibérales", ont déjà levé leurs boucliers, estimant faire les frais de leur refus de partager l'accueil de demandeurs d'asile.

"Nous n'accepterons pas de mécanismes arbitraires qui feront de la gestion des fonds un instrument de pression politique à la demande", a prévenu le vice-ministre polonais pour les Affaires européennes, Konrad Szymanski.

Des pays comme l'Autriche ou les Pays-Bas sont déjà mobilisés pour leur part contre la hausse des contributions nationales demandée par la Commission, à laquelle l'Allemagne et la France, principaux contributeurs, sont en revanche disposées.

Le débat budgétaire va enfin ressusciter un serpent de mer: la création de nouvelles ressources propres de l'Union.

La Commission veut notamment que la taxation des échanges de quotas de carbone, durcie à compter de 2020, soit orientée vers le budget de l'UE, et non plus vers les Etats membres. La création d'une taxe sur les plastiques est également dans les tuyaux.

Sur un point au moins, le Brexit va offrir une opportunité, en rendant caduc le rabais concédé à Londres qui a ensuite servi de justification pour que d'autres Etats en obtiennent à leur tour. "C'est le moment d'assainir", exhorte un diplomate.

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