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L'uniforme tente une timide incursion dans des écoles publiques

Abandonné au tournant des années 60, l'uniforme tente un timide retour dans des écoles publiques en région parisienne, alors que la France n'en finit pas de s'interroger sur le fonctionnement de son éducation nationale malmenée.

Lundi, dans la ville médiévale de Provins, au sud-est de Paris, certains élèves d'école primaire ont fait leur rentrée vêtus des mêmes habits: pantalon coupe droite, gilet bleu ciel, polos brodés de la devise française "Liberté, Egalité, Fraternité", et blouson de style aviateur.

Cette expérimentation rappelle l'époque des blouses largement répandues au sein des salles de classe françaises, jusque dans les années 60. Mais contrairement à une croyance bien ancrée, l'uniforme n'a jamais été obligatoire dans les écoles primaires.

"Beaucoup ont le souvenir de blouses uniformes, mais c'est de la mémoire reconstruite, il suffit de regarder les photos de classe d'époque", explique à l'AFP Claude Lelièvre, historien spécialiste de l'éducation.

"Les élèves portaient des blouses hétéroclites non pas pour des raisons éducationnelles ou idéologiques mais purement pragmatiques: à savoir protéger les vêtements des tâches d'encre qui étaient assez fréquentes", poursuit-il.

L'avènement du stylo Bic et son autorisation dans les classes pour remplacer plumes et encriers, ainsi que l'arrivée de vêtements de moins en moins chers, scellera d'ailleurs rapidement le sort des blouses à l'école publique.

L'expérience des écoles de Provins, basée sur le volontariat, a néanmoins relancé le débat entre nostalgiques d'une éducation plus rigoureuse et ceux qui prônent davantage de liberté.

Pour Olivier Lavenka, le maire de Provins (Les Républicains, droite), le port de l'uniforme participe ainsi "à un meilleur climat scolaire", renforce "le sentiment d'appartenance à la communauté éducative" et atténue "les différences sociales".

- Enrayer la chute -

Et ces dernières années, ces arguments ont été repris par plusieurs élus ou candidats de droite, comme l'ancien Premier ministre François Fillon ou la dirigeante d'extrême droite en France Marine le Pen, qui avaient inscrit le retour de l'uniforme à l'école dans leurs programmes pour l'élection présidentielle de 2017.

"Il n'y a jamais eu d'enquête empirique sérieuse montrant qu'il y avait plus d'égalité sociale entre les élèves ou de respect de l'autorité du fait du port de l'uniforme. Ce n'est pas la préoccupation des enseignants aujourd'hui", souligne Françoise Lantheaume, professeure en sciences de l'éducation, à l'université de Lyon 2 (est).

"Il n'y avait pas ce débat dans les années 70, on était dans une dynamique où l'avenir était ouvert. Maintenant nous sommes dans une période où nous avons tendance à nous projeter dans un passé plus ou moins mythique car nous sommes dans l'angoisse et la régression", pointe M. Lelièvre.

Si le ministre français de l'Education Jean-Michel Blanquer avait affirmé en janvier être favorable à la mise en place d'un uniforme dans les établissements qui le souhaitaient, la question de le généraliser n'est pas à l'agenda du gouvernement.

La priorité reste davantage d'enrayer la chute de la France dans les différents classements évaluant le niveau des élèves dans le monde.

Un nouveau texte qui porte notamment sur la formation des enseignants et l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans devrait être présentée au Parlement au printemps prochain.

"Ces classements montrent que la France a un des systèmes les plus inégalitaires en Europe. L'absence de mixité, c'est ça le problème numéro un et l'uniforme n'est pas une réponse", estime Mme Lantheaume.

A 137 euros la tenue, dans le cas de Provins, l'uniforme obligatoire pourrait également compromettre la gratuité de l'école publique, l'un des grands principes républicains français.

Dans les cours d'école de Provins lundi matin, une majorité des enfants ont préféré garder leur jean et leur sweat-shirt de super héros.

Le modèle anglo-saxon, avec un uniforme obligatoire dans la plupart des écoles, semble avoir un long chemin à parcourir avant de s'imposer en France.

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