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La Cour des comptes appelle le fisc à "se transformer"

Accueil téléphonique défaillant, systèmes informatiques désuets, maillage du territoire inadapté... L'administration fiscale s'est modernisée ces dernières années mais doit accroître ses efforts pour "améliorer le service rendu" aux contribuables et "réduire ses coûts", estime la Cour des comptes.

Dans un rapport rendu public mercredi, la haute juridiction financière salue les progrès accomplis depuis la création de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), née en 2008 de la fusion entre les directions générales des impôts (DGI) et de la comptabilité publique (DGCP).

Cette fusion, emblématique de la révision générale des politiques publiques lancée par Nicolas Sarkozy, a permis "une amélioration du service aux particuliers", qui disposent désormais pour beaucoup d'un interlocuteur fiscal unique, grâce aux services des impôts des particuliers (SIP).

Pourtant, le bilan de cette réforme reste "contrasté", "tant en matière de qualité de service que d'efficience", regrette la Cour. Elle préconise d'"accélérer la transformation" de la DGFIP, deuxième plus grande administration civile de l'Etat avec 103.000 agents et un budget de huit milliards d'euros.

Premier grief: l'accueil du public, qui reste "dégradé" dans certains territoires --notamment les zones urbaines défavorisées, où les temps d'attente, de trois heures en moyenne certains jours, sont jugés "excessifs" et provoquent des "tensions récurrentes entre usagers et agents".

Il reste "des marges de progrès", a insisté lors d'une rencontre avec la presse le président de la Cour des Comptes Didier Migaud, évoquant notamment des carences dans la gestion des appels téléphoniques, deuxième canal de communication avec la DGFIP (10,6 millions d'appels en 2016) après le déplacement au guichet (14,4 millions de visites).

Selon le rapport, seuls 64% des appels permettaient d'atteindre un agent en 2017. "Le canal téléphonique demeure le point faible du dispositif" et doit être "amélioré", notamment pour la réussite du passage au prélèvement à la source le 1er janvier 2019, conclut la Cour.

- "Resserrer" le réseau d'agences -

Autre critique: le manque d'investissement dans les systèmes informatiques, décidé pour des raisons budgétaires. Entre 2010 et 2017, le budget informatique de l'administration fiscale a diminué de 28%, soit une baisse "très supérieure" à celle du budget total de la DGFIP sur cette période (-5%).

Cette contrainte "a fragilisé des systèmes d'information déjà anciens", "construits par sédimentation de couches applicatives dont certaines remontent aux années 1970", déplore la Cour. Qui évoque une "dette technique", susceptible d'"obérer la modernisation" de l'administration fiscale.

L'institution de la rue Cambon s'interroge enfin -- et surtout -- sur le réseau d'agences de l'administration fiscale, qui n'a "que peu évolué" depuis la fusion de 2008. "Avec plus de 4.000 implantations locales, la DGFIP s'appuie sur un réseau nettement plus dense que ses homologues étrangers", souligne le rapport.

Or ce réseau compte un très grand nombre de services locaux de petite taille qui, "compte tenu des congés et de l'absentéisme", ne peuvent "délivrer des services avec une amplitude horaire et une qualité suffisante", selon les magistrats financiers, qui invitent la DGFIP à "resserrer" son réseau.

La DGFIP a subi depuis 10 ans près de 20.000 suppressions de postes, s'imposant de loin comme la principale contributrice à la baisse des effectifs de l'Etat. Une situation qui hérisse les syndicats, d'autant que de nouvelles réductions d'effectifs sont attendues pour les années à venir, d'un niveau potentiellement supérieur.

"Le risque, c'est d'avoir un service public qui se délite, un Etat qui soit de moins en moins proche de la population", met en garde Alexandre Derigny, de la CGT Finances publiques, qui dit redouter une "approche purement comptable" des fermetures d'agences, au lieu d'une "adaptation aux besoins".

Dans sa réponse écrite au rapport de la Cour, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin se dit prêt de son côté à "envisager des formes différenciées d'exercice des missions et de présence dans les territoires, rompant avec une uniformité rassurante mais inadaptée".

"L'accent doit être mis sur le développement de l'offre de services en ligne et l'accueil physique doit être limité aux cas les plus complexes et aux citoyens rencontrant des difficultés d'accès ou d'utilisation de ces services", ajoute le ministre, assurant "souscrire" aux réflexions de la Cour.

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