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Destins croisés: un buisson, un squat et la mort pour Abaaoud, Abdeslam s'évapore

Un peu moins de deux mois après les attentats de Paris qui ont fais 130 morts et plus de 300 blessés, retour sur le parcours de deux hommes devenus tristement célèbres: Abdelhamid Abaaoud et Salah Abdeslam

Sept jihadistes meurent la nuit des attentats du 13 novembre, mais deux des principaux membres du commando s'enfuient: la cavale s'achève le 18 à Saint-Denis pour Abdelhamid Abaaoud, Salah Abdeslam reste introuvable.


La fin d'Abaaoud 


Brahim Abdeslam s'est fait exploser depuis vingt minutes quand Abdelhamid Abaaoud et le troisième membre du commando des terrasses abandonnent leur Seat et leurs armes à Montreuil. A 22H14, ils sont filmés dans la station de métro Croix-de-Chavaux: ils enjambent les tourniquets, un sourire se dessine sur le visage d'Abaaoud qui échange quelques mots avec un usager. Mains dans les poches, baskets orange aux pieds, il prend avec son complice non identifié la ligne 9 puis retourne à proximité du Bataclan.

Le dimanche 15, après 20H00, à Drancy (Seine-Saint-Denis), sa cousine française, Hasna Aitboulahcen, reçoit un appel d'un numéro belge. Selon une source proche de l'enquête, elle apprend la présence d'Abaaoud, caché dans un buisson en bordure d'autoroute à Aubervilliers. La jeune femme, qui aurait été amoureuse de son cousin selon des témoignages, s'y rend. Consommatrice de crack et de vodka-redbull, Aitboulahcen semble s'être radicalisée aussi récemment que brutalement, portant depuis quelques mois le voile intégral.

Elle déploie alors une activité téléphonique hors norme: 248 appels et 310 messages jusqu'à sa mort. Une relation racontera aux policiers un appel dans la nuit du 15 au 16: la jeune femme lui aurait demandé de "loger un frère", proposant "en échange une relation sexuelle". Elle sollicite une amie pour "héberger un cousin de Belgique, un frère 'muz'." "C'est mon cousin, il va tout faire exploser et si mon cousin il meurt, je vais tuer des juifs", l'entend dire un autre témoin. Dès le 16, Aitboulahcen est repérée.

La police surveille ses négociations avec un dealer présumé, Mohamed Soumah, et une relation de prison de celui-ci, Jawad Bendaoud, pour la location d'un appartement de Saint-Denis. Le 17 à 18H00, Aitboulahcen récupère à La Poste de Drancy un mandat de 750 euros venu de Belgique. Elle retourne à Aubervilliers où, sous les yeux des policiers en planque, Abaaoud et son complice émergent vers 20H15 de leur "igloo végétal".

Durant sa cavale, le Belge se serait targué d'avoir 90 jihadistes sous ses ordres en Ile-de-France, revenus de Syrie deux mois plus tôt; il aurait exprimé sa volonté de mourir en martyr en se faisant exploser à La Défense.

A 22H30, le trio arrive rue du Corbillon à Saint-Denis. Bendaoud vient les installer. Ils lui demandent de l'eau ainsi que l'orientation de la Mecque. A 04H20, le Raid lance l'assaut. "Laissez-moi sortir s'il vous plaît", supplie trois fois Hasna avant de mourir dans le souffle de l'explosion du kamikaze non identifié. Abaaoud est tué.


La cavale d'Abdeslam

Après avoir convoyé les kamikazes du Stade de France et peut-être renoncé à un attentat dans le XVIIIe arrondissement, Salah Abdeslam est isolé. Il achète à Barbès une carte téléphonique enregistrée au nom de Pierre Loti et prend le métro pour le sud. Il passe la nuit dans le secteur Montrouge-Châtillon-Bagneux d'où il appelle à la rescousse un cousin à qui il explique être "dans la merde". L'aide viendra de ses amis Mohamed Amri et Hamza Attou. Ils évoluent dans la même mouvance de délinquants et/ou d'islamistes radicaux de Molenbeek, regroupée au bar les Béguines de Brahim Abdeslam où Attou dealait du "shit". Abdeslam est récupéré vers 06H00 après s'être débarrassé de sa ceinture explosive. 


A l'arrière de la Golf, Salah Abdeslam est agité, pleure, menace, selon ses convoyeurs. "Ils vont payer pour la mort de mon frère", aurait-il dit. L'équipage passe trois barrages, dont à Cambrai à 09H10 un contrôle de gendarmes à qui Salah Abdeslam décline son identité et son adresse: connu des Belges comme islamiste radical, il n'est alors pas recherché en France. Abdeslam achète cafés et croissants, Amri et Attou fument du cannabis et ne s'en cachent pas lors d'un autre contrôle: un policier "a dit à Amri que ça n'était pas bien d'avoir consommé mais que ça n'était pas la priorité" du jour, selon Attou.

En Belgique, Abdeslam est pris en charge par diverses personnes gravitant autour du réseau des Béguines. "On ne va plus jamais se revoir", dit-il, annonçant son intention de "changer de tête". Le lundi 16, sur la foi d'un renseignement reçu la veille, la police pense trouver Abdeslam au domicile d'une famille de Molenbeek décrite comme "pourvoyeuse de candidats au jihad", dont certains seraient en Syrie. Jeudi, un de ses membres, Ayoub Bazarouj, 22 ans, a été inculpé, le dixième en Belgique.

Abdeslam reste introuvable. Tout comme Mohamed Abrini, soupçonné d'avoir joué un rôle de premier plan. Se cachent-ils en Belgique? Sont-ils en Syrie? Ils semblent évaporés.

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