Accueil Actu

La France avance vers la pénalisation des violations d'embargos après dix ans de surplace

Dix ans après son dépôt, les députés ont adopté jeudi en première lecture un projet de loi visant à pénaliser toutes les violations d'embargos décidés par l'ONU ou l'Union européenne, en renforçant les possibilités de poursuivre des Français livrant des armes depuis l'étranger, comme le réclamaient des ONG.

S'il n'a été voté que par une dizaine de députés présents, "ce texte est très important", selon son rapporteur Pouria Amirshahi (PS), car "il donne en droit national une pleine portée aux embargos sur le commerce des armes, et plus généralement aux sanctions économiques internationales".

Ce projet de loi a "une vie peu commune", comme l'ont noté plusieurs orateurs. Déposé en février 2006 au Sénat après une résolution du conseil de sécurité de l'ONU en... 1998, celui-ci l'a adopté en octobre 2007, mais il n'a été transmis à l'Assemblée qu'en... 2013, où a été désigné un rapporteur, avant qu'il ne soit remis "au frigo" pendant trois ans.

Si personne n'a expliqué dans l'hémicycle cette lenteur pour le moins inhabituelle, M. Amirshahi l'a justifiée à l'AFP par le fait "que la France n'était alors pas totalement dans les clous".

"En 2013, le Quai d'Orsay ne voulait pas du texte car la France avait choisi d'armer l'opposition syrienne, alors que le pays était sous embargo. Le problème ne se pose plus, vu qu'on est engagés militairement en Syrie", selon cet élu des Français de l'étranger.

Coïncidence d'agenda, les députés ont examiné ce projet de loi le jour de la visite en France du président iranien, après la levée des sanctions contre son pays.

Le sujet est d'autant plus d'actualité que la France "est tenue d'appliquer des embargos ou des mesures restrictives à l'égard de près d'une vingtaine de pays ou entités" (Chine, Erythrée, Russie, Talibans, Daech, etc.), a souligné le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Harlem Désir.

Ces sanctions "sont utiles pour faire pression sur un État", a estimé M. Désir, en citant le cas iranien, alors que les deux LR présents, Thierry Mariani et Jacques Myard, ont contesté "leur efficacité sur la Russie".

Certes, la France dispose d’un régime d’autorisation et de contrôle des exportations d'armes et du code des douanes pour poursuivre les violations d'embargos.

- poursuivre les intermédiaires -

Mais cela ne couvrait pas l'ensemble des cas. En matière d’exportation d’armes, les actions de formation, de conseil ou d’assistance technique n'étaient pas prises en compte par exemple. Et les licences d’exportation ne couvrent pas les livraisons d'armes entre deux pays tiers à l’UE, comme le font généralement les "intermédiaires" voulant contourner ces embargos.

Le projet de loi permettra donc de sanctionner la violation d’un embargo par un individu soumis au droit français, que le délit soit commis en France ou à l'étranger.

Mais des ONG, comme Amnesty International ou Survie, avaient jugé "cette avancée limitée", car la loi pose plusieurs restrictions à la poursuite par un juge français d'auteurs de délits commis à l'étranger, dont la double incrimination (pénalisation également des faits dans les pays où ils sont commis).

Les députés ont voté un amendement écologiste supprimant ces restrictions pour la livraisons de matériels de guerre et policiers et ce, malgré l'avis défavorable de M. Désir, qui a annoncé le gouvernement préparait un "projet de loi spécifique" contre ces "intermédiaires".

Vu le rejet des six amendements du gouvernement pour supprimer des modifications apportées en commission, les députés ont durci les peines pour violation d'embargo à dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

Ils ont également prévu des peines complémentaires contre les personnes morales (exclusion des marchés publics, interdiction d'opérer des émissions sur les marchés financiers, etc). Enfin, l'Assemblée a institué une commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d'embargo, où pourront siéger parlementaires et ONG.

Certaines de ces dispositions méritent "d'être retravaillées" lors de la navette parlementaire, a admis M. Amirshahi, l'espérant plus rapide que par le passé.

À la une

Sélectionné pour vous