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La question des migrants surgit à Cannes, du fantastique à la réalité virtuelle

Un réfugié syrien en lévitation au-dessus de Budapest, une immersion poignante en réalité virtuelle dans l'enfer des migrants latino-américains : le cinéma prend la question des migrants à bras le corps au Festival de Cannes.

Dans une Europe aux prises avec la crise des réfugiés et la montée des extrémismes, c'est par le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó, 42 ans, déjà deux fois en compétition, que le sujet a fait irruption sur la Croisette vendredi.

Dans "La lune de Jupiter", en lice pour la Palme d'or, le réalisateur fait le pari du fantastique pour livrer "un film politiquement incorrect. L'histoire débute par le lâche assassinat d'un jeune Syrien cherchant l'asile, Aryan, par un policier hongrois.

Trois balles dans la poitrine pour celui qui tentait de gagner l'Europe et paiera pour ses frères. Dans la boue de la zone frontière, Ayran ressuscite et tel un ange s'envole dans les airs.

C'est le point de départ de 02H03 de pérégrinations dans un Budapest lugubre et poisseux. En Hongrie, en première ligne depuis 2015 face à l'exode de centaines de milliers de demandeurs d'asile, et dans le reste de l'Europe, "on sent une tension très importante, une pression qu'on a voulu recréer" dans le film, a souligné M. Mundruczó en conférence de presse.

- Figure christique -

Le spectateur suit Aryan, figure christique qui cherche à retrouver son père. Clin d’œil biblique parmi d'autres, le paternel est un charpentier, perdu de vue lors du passage de la frontière.

Si le fantastique est du côté de ce réfugié de Homs, le réalisateur choisit un réalisme sombre pour dépeindre les Budapestois qu'il rencontre: une galerie de pécheurs qui se débattent avec leurs propres turpitudes, dont le principal, le docteur Stern, navigue entre bien et mal.

Le médecin, qui soigne les migrants dans les camps où les autorités hongroises les parquent et se livre à de petits trafics sur leur dos, va prendre le chemin de la rédemption en sauvant Aryan, suspecté à tort d'avoir commis un attentat dans le métro de Budapest.

Le casting lui-même est un beau pied de nez : le Syrien Aryan est joué par un jeune hongrois, Zsombor Jéger, qui a clamé à Cannes son attachement à l'Union européenne, tandis que le médecin hongrois est joué tout en finesse par un étranger, Merab Ninidze, un acteur géorgien qui a appris la langue pour le tournage.

"J'ai grandi en Union soviétique donc je sais ce que ça veut dire d'être opprimé et d'essayer de rester un être humain", a-t-il souligné.

Au manifeste politique choisi par certains cinéastes cannois, notamment la Britannique Vanessa Redgrave qui a présenté hors-compétition le documentaire militant "Sea Sorrow", Kornél Mundruczó préfère laisser le spectateur s'interroger sur les ressorts du comportement des Hongrois face aux demandeurs d'asile.

"Notre problème en Hongrie, est aussi votre problème" dans le reste de l'Europe, a souligné le réalisateur. "C'est un mauvais exemple qui peut se répandre partout" et "nous n'avons pas trouvé les réponses" à cette crise, "mais il faut persévérer".

- Pieds nus dans le sable -

Question universelle, la thématique des migrations infuse également chez les réalisateurs du continent américain. Elle est au coeur de l'un des évènements du festival, qui vise à dépasser le cinéma : la toute première sélection officielle, hors compétition, d'une installation en réalité virtuelle.

Dans "Carne y Arena", le Mexicain Alejandro González Iñárritu immerge le spectateur, casque sur la tête et pieds nus dans le sable, aux côtés d'un groupe de migrants. Physiquement dans un hangar aéroportuaire près de Cannes, dans l'esprit à la frontière américano-mexicaine, pour une plongée en enfer d'un réalisme à fendre le coeur.

A la frontière du documentaire, l'oeuvre de 6,5 minutes a été réalisée avec des migrants, à partir de leurs véritables histoires. "Nous avons créé un véritable espace alternatif où vous-même en tant que visiteur pourrez marcher avec les migrants au milieu d'un paysage sans limite" pour vivre ce que "d'autres ont vu, ressenti et entendu", explique le réalisateur Oscar du meilleur film en 2015 pour Birdman, en introduction de son oeuvre.

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