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La sécurité de Rio passe entre les mains de l'armée

L'Etat de Rio de Janeiro a transféré toute la responsabilité de ses opérations de sécurité à l'armée, a décrété vendredi le président brésilien Michel Temer, pour qui "le crime organisé à quasiment pris le contrôle de Rio".

"Je prends ces mesures extrêmes parce que les circonstances l'exigent. Le gouvernement apportera des réponses fermes pour éradiquer le crime organisé", a déclaré le chef de l'État lors de la cérémonie officielle de signature du décret.

Cette mesure inédite depuis le retour à la démocratie après la fin de la dictature militaire, en 1985, implique notamment que toutes les forces de police seront sous l'autorité de l'armée.

Cette décision a été prise au lendemain du carnaval de Rio lors duquel se sont multipliés les agressions et vols à main armée, alors que près de 1,5 million de touristes étaient venus faire la fête dans la "Ville merveilleuse".

D'après la presse brésilienne, la mission de l'armée se prolongera jusqu'à la fin du mandat du président Temer, le 31 décembre cette année.

Le chef de l'État a annoncé que les opérations seraient dirigées par le général Walter Souza Braga Neto, qui avait déjà été à la tête du dispositif de sécurité des jeux Olympiques de Rio de Janeiro.

- Carnaval violent -

Le président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia, qui a participé la veille à une réunion avec le président et plusieurs ministres , a évoqué vendredi matin une mesure "dure et extrême" qui a besoin d'être "bien pensée et bien exécutée".

Le ministre de la Défense du Brésil Raul Jungmann a jugé "inadmissibles et inacceptables" mercredi les scènes de violence ayant émaillé le célèbre carnaval qui s'est achevé ce jour même.

Fin janvier, il avait reconnu que tout le système de sécurité du pays était "en faillite".

Le gouverneur de l'État de Rio, Luiz Fernando Pezao, a fait de son côté un mea culpa. "Nous n'étions pas prêts. Il y a eu des erreurs les deux premiers jours et ensuite nous avons renforcé les patrouilles. Mais je pense que nous avons commis une erreur", a-t-il reconnu mercredi.

"La confusion totale et le manque de coordination des forces de sécurité pendant le carnaval" a servi de déclencheur pour la prise de cette décision du président Temer, estime David Fleischer, professeur de sciences politiques de l'Université de Brasilia.

Mais d'autres facteurs entrent en ligne de compte, selon lui. Fortement impopulaire, le chef de l'Etat fait face à de graves accusations de corruption et peine à faire adopter une réforme des retraites réclamée par les marchés.

"Temer est en train de faire beaucoup de choses pour détourner l'attention", explique le professeur.

La police s'étant révélée incapable de contrôler l'escalade de la violence à Rio après les jeux Olympiques, et particulièrement ces derniers mois, le gouvernement fédéral avait envoyé en juillet 8.500 militaires en renfort. Sans effet notable à ce jour.

Une dizaine d'opérations coup de poing dans diverses favelas n'ont pas suffi à éradiquer la violence imposée par les gangs de narcotrafiquants, loin de là.

Les fusillades ont augmenté dans la métropole de même que les détournements de cargaisons de poids lourds et que les vols par "arrastao", expédition en bande qui consiste à ratisser une zone au pas de course et à dépouiller toutes les personnes présentes.

- 'Assainir la police' -

La sécurité est également compromise par la grave crise financière qui touche un Etat de Rio au bord de la faillite, les fonctionnaires étant souvent payés avec des mois de retard, y compris les policiers.

Pour Arthur Trindade, professeur d'université et ancien secrétaire à la sécurité de Brasilia, le principal objectif de cette décision est "d'assainir" une police minée par les problèmes de corruption.

"Avec ces mesures, il est possible que les factions de narcotrafiquants fassent profil bas pendant quelques mois, dans la mesure où la police prend aussi part à la guerre des gangs", conclut-il.

L'État de Rio est le plus peuplé du Brésil, avec environ 16 millions d'habitants, 6,5 millions d'entre eux habitant dans la capitale, Rio de Janeiro.

Après le retour à la démocratie, l'Etat a eu recours aux forces armées pour de grands événements, sportifs notamment, mais pas sur une telle durée.

Le décret présidentiel prend effet immédiatement mais doit encore être approuvé par le Parlement dans les dix jours.

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