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Le gouvernement va dévoiler mercredi son projet de loi anti-fraude fiscale

Arsenal judiciaire renforcé, recours accru au renseignement et mise à l'index des tricheurs : le gouvernement va dévoiler mercredi son projet de loi contre la fraude fiscale, destiné à récupérer une partie des sommes colossales qui échappent chaque année à l'Etat.

Le texte de loi, en préparation depuis l'automne, sera présenté en Conseil des ministres par le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. Il sera débattu "avant l'été" au parlement, en vue d'une adoption définitive au début de l'automne, a indiqué Bercy.

"Il est difficile de savoir combien coûte la fraude. Ce qui est sûr, c'est qu'elle coûte beaucoup, et que la France ne fait pas assez pour récupérer l'argent qui devrait être dans les caisses" de l'Etat, a souligné M. Darmanin vendredi sur Europe 1.

Ces dernières années, plusieurs mesures ont été adoptées pour rendre la traque des fraudeurs plus efficace, à l'image de la loi sur la lutte contre la fraude fiscale, votée en 2013 dans le sillage de l'affaire Jérôme Cahuzac.

Mais la série d'affaires révélées par la presse, des Panama papers aux Swissleaks en passant par le scandale touchant le groupe de luxe Kering et sa marque Gucci, accusée d'évasion fiscale, ont montré qu'il existait encore des failles dans l'arsenal hexagonal.

"Notre objectif, c'est de durcir les mesures nationales et internationales", a reconnu face aux parlementaires Edouard Philippe. "Nous savons que nous pouvons faire mieux, nous pouvons frapper plus fort, nous pouvons dissuader ceux qui veulent s'engager dans ce chemin".

- "Police fiscale" -

Pour ce faire, plusieurs mesures ont d'ores déjà été annoncées, qui figureront dans le texte de loi -- à commencer par la mise en place de sanctions pour les intermédiaires, tels les cabinets d'avocat, qui favorisent l'évasion fiscale.

"Nous allons pénaliser ceux qui proposent des montages frauduleux pour échapper à l'impôt", a expliqué Gérald Darmanin. Selon Bercy, les pénalités administratives pourraient aller de 10.000 euros à 50 % des honoraires perçus.

Autre nouveauté de ce texte de loi : la création d'un service d'enquête spécialisé, au sein même de Bercy. Ce service, dit de "police fiscale", pourra être saisi par le parquet national financier (PNF) dans le cas de dossiers nécessitant une expertise fiscale pointue.

Une procédure de plaider coupable sera par ailleurs créée pour les fraudeurs poursuivis au pénal et disposés à reconnaître leurs torts, qui pourront s'éviter un procès en acceptant la peine proposée par le parquet.

Le projet de loi permettra enfin d'accroître l'usage du "data mining" -- ou exploration de données -- pour détecter les dossiers à risques, et de renforcer la liste française des paradis fiscaux, en prenant en compte d'autres critères que les seuls "échanges d'informations".

- "Faire honte" -

"Aujourd'hui, il y a des gros fraudeurs et nous ne les avons pas assez pourchassés", a insisté Gérald Darmanin, disant vouloir faire jouer "la réputation" des entreprises reconnues coupables de fraude en rendant publiques les sanctions.

Cette pratique, dite du "name and shame" ("nommer et faire honte"), deviendra obligatoire en cas de condamnation pénale, sauf décision expresse du juge. Elle sera également possible pour certaines fraudes sanctionnées par l'administration.

Selon Bercy, plusieurs mesures seront par ailleurs adoptées par voie réglementaire d'ici à l'été, parallèlement au projet de loi. A commencer par la création d'un guichet censé faciliter les démarches de régularisation engagées par les entreprises de bonne foi.

Rien n'est prévu en revanche à ce stade concernant le fameux "verrou de Bercy" (monopole des poursuites pénales pour le fisc en cas de fraude), la mission parlementaire chargée de réfléchir à ce sujet épineux n'ayant prévu de rendre ses travaux que début mai. Mais le calendrier annoncé laisse la porte ouverte à l'introduction d'amendements lors des débats parlementaires.

Ce dispositif fait l'objet de vives critiques de la part des magistrats, qui l'accusent de favoriser une certaine forme d'opacité. Interrogé sur le sujet, Gérald Darmanin s'est dit hostile à sa levée mais favorable à une "amélioration" afin de rendre le dispositif plus efficace.

Une question d'image, s'agissant d'un sujet politiquement sensible. Selon les estimations, la fraude fiscale coûterait près de 60 milliards d'euros par an à l'Etat. Soit l'équivalent, peu ou prou, du déficit public français.

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