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Le gouvernement veut retoucher la loi de 1905 pour mieux encadrer le culte musulman

Sujet hautement sensible, le gouvernement veut prendre des mesures pour rénover la loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État, l'objectif étant de mieux organiser et encadrer le financement de l'islam en France.

L'exécutif veut parvenir à un projet de loi examiné au parlement début 2019. D'ici là, il va recevoir les représentants des différents cultes, qui entendent bien peser dans le débat.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a ainsi rendez-vous avec le ministre de l'Intérieur le 22 novembre, a-t-il dit à l'AFP. La Fédération protestante de France est attendue le 27. Les autres rendez-vous sont en cours de calage.

La loi de 1905 a été amendée plusieurs fois et va l'être "à nouveau", a indiqué lundi la ministre de la Justice Nicole Belloubet, précisant qu"il ne s'agit pas de (la) réécrire". Selon une source proche du dossier, les grands principes de liberté de culte et de neutralité de l'État ne seront pas concernés.

Lundi, L'Opinion a publié ce qu'il affirme être l'avant-projet de loi. Le principal objectif, selon le quotidien, serait de faire passer les structures musulmanes qui sont, pour la plupart constituées en associations loi 1901, en associations loi 1905.

Car actuellement, les cultes peuvent s'organiser selon ces deux régimes. Le régime de 1905 permet d'avoir des avantages fiscaux et de recevoir des dons et des legs. Mais il est plus contraignant, en terme de contrôle financier.

L'avant-projet propose donc de rendre plus attractif le régime de 1905, notamment en permettant aux associations de se financer grâce aux revenus locatifs des immeubles qu'elles possèdent. Si leur comptabilité est jugée transparente, elles pourraient aussi prétendre à des subventions publiques "pour réparations et rénovation énergétique" des édifices religieux.

En contrepartie, il suggère la création d'un label d'État, un "tampon administratif" délivré pour cinq ans, qui reconnaîtrait la "qualité cultuelle" de l'association, mais qui pourrait lui être retiré en cas de manquement.

L'avant-projet prévoit par ailleurs de soumettre à déclaration les dons d'un montant supérieur à 10.000 euros, et des sanctions alourdies en cas d'entrave à l'exercice du culte ou d'incitation à ne pas respecter la loi. Une disposition "anti-putsch" devrait servir de "bouclier juridique" contre les "prises de contrôle inamicales" d'associations par certains prédicateurs radicaux.

- "stigmatisation de l'islam"

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner assure qu'il ne s'agit que "d'un document de réflexion (...), rien d'autre que cela".

"On nous a dit qu'il faisait partie des hypothèses de travail, sans rentrer dans le détail de telle ou telle disposition", a déclaré à l'AFP Anouar Kbibech, vice-président du CFCM. Son président Ahmet Ogras y voit une "stigmatisation de l'islam" et une "démarche policière".

"Ça ne changera pas énormément de choses pour nous, nous sommes déjà constitués en association loi 1905, nos comptes sont déjà contrôlés", affirme pour sa part le porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF) Olivier Ribadeau Dumas. "Je ne souhaiterais cependant pas qu'un durcissement des mesures pour une religion particulière impose un durcissement pour les autres", a-t-il dit.

Et d'avertir: attention à ce que la discussion ne "réveille pas un certain nombre de difficultés" et de tensions dans la société.

Pour Haïm Korsia, grand rabbin de France, "il s'agit surtout d'une clarification entre les statuts association 1901 et 1905", qui ne va pas concerner le culte israélite.

"Sur les 4.000 associations cultuelles existantes (sous le régime loi 1905, ndlr), 3.000 sont protestantes", a rappelé François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France. "Je ne voudrais pas que la liberté de culte soit rendue encore plus contrainte" pour nous, a-t-il dit.

Le projet inquiète aussi côté franc-maçon.

"Ce n'est pas forcément le rôle de l'État de structurer les religions. Il y a une contradiction entre dire que ce ne sont pas des lobbies et de l'autre côté, de leur permettre d'augmenter leurs ressources. En étendant ou en diversifiant leurs financements, certains cultes vont renforcer leur influence", a commenté Édouard Habrant, Grand maître de la Grande loge mixte de France.

"Nous sommes très inquiets, ça remet en cause un équilibre. Ce n'est pas qu'un toilettage, c'est une nouvelle orientation", estime-t-il.

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