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Le procès Charlie Hebdo a commencé: "Le plus vieil accusé est un Belge de 68 ans"

C'est le premier jour de 10 longues semaines de procès. Celui des attentats de Charlie Hebdo, mais aussi de Montrouge et de l'Hyper Cacher en 2015 à Paris. Quand les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ont abattu froidement 17 personnes ? Qu'attend-on de ce procès ?

Les attaques de janvier 2015 avaient semé effroi et consternation en France et à l'étranger: attendu depuis cinq ans, le procès des attentats jihadistes contre Charlie Hebdo, des policiers et l'Hyper Cacher s'est ouvert mercredi matin à Paris sous très haute surveillance.

Quatorze personnes sont poursuivies, soupçonnées à des degrés divers de soutien logistique aux frères Saïd et Chérif Kouachi, et à Amédy Coulibaly, auteurs des tueries qui ont fait 17 morts, entre le 7 et le 9 janvier 2015. "Les accusés ont entre 30 et 68 ans, le plus âgé étant le Belge Michel Catino. Tous les accusés accepteront de répondre aux questions, et c'est peu fréquent chez les terroristes", nous a expliqué notre envoyée spéciale, Dominique Demoulin.

Peu après 10H00, le président de la cour d'assises spéciale a annoncé l'audience ouverte, en présence de 11 des 14 accusés. Dix sont répartis dans deux box, étroitement encadrés par des policiers encagoulés, un dispositif de sécurité colossal ayant été mis en place. Le 11e comparait libre sous contrôle judiciaire.

Dans la salle, quelques survivants de l'attaque à Charlie Hebdo et des proches des victimes sont venus, dont Patrick Pelloux, qui a longuement étreint d'autres personnes.

La liberté d'expression

Pour marquer l'ouverture du procès, Charlie Hebdo a remis en une les caricatures de Mahomet qui en avaient fait une cible des jihadistes. "Au fond l'esprit de Charlie c'est ça c'est refuser de renoncer à nos libertés, de renoncer aux rires, de renoncer y compris au blasphème", a déclaré l'avocat du journal, Me Richard Malka. "N'ayons pas peur, ni du terrorisme, ni de la liberté", a-t-il lancé avant l'ouverture du procès.

La guerre portée sur le sol français, la liberté d'expression, des caricaturistes et intellectuels pris pour cible, des citoyens assassinés en raison de leur religion... Durant deux mois et demi, 150 témoins et experts vont se succéder devant la cour d'assises spéciale, chargée de juger ces attentats.

Quatorze personnes sont poursuivies, soupçonnées à des degrés divers de soutien logistique aux frères Saïd et Chérif Kouachi et à Amédy Coulibaly, auteurs des tueries qui ont fait 17 morts, entre le 7 et le 9 janvier 2015.

Le procès, initialement prévu avant l'été, avait été reporté en raison de la crise sanitaire. Il sera intégralement filmé pour les archives historiques de la justice, une première en matière de terrorisme.

Signe de la démarche cathartique de ce procès: les premières semaines d'audience seront consacrées aux témoignages des 200 parties civiles. Le déroulement de l'enquête et l'interrogatoire des accusés ne seront abordés que dans un second temps.

"Nous voulons remplir cette salle d'audience de ce qu'ont vécu nos clients" a déclaré Me Patrick Klugman, qui défend des victimes de l'Hyper Cacher, devant la salle d'audience.

Trois accusés absents

Le 7 janvier 2015, les frères Kouachi avaient attaqué la rédaction de Charlie Hebdo à l'arme de guerre, assassinant 12 personnes, dont les dessinateurs historiques Cabu et Wolinski, avant de prendre la fuite.

Le lendemain, Amédy Coulibaly -- qui avait côtoyé Chérif Kouachi en prison -- tuait une policière municipale à Montrouge, près de Paris. Un jour plus tard, il exécutait quatre hommes, tous juifs, lors de la prise d'otages du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris.

Ce périple meurtrier avait pris fin avec la mort des trois jihadistes lors d'un double assaut policier, mené quasi simultanément à l'Hyper Cacher et dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) où les tueurs de Charlie Hebdo s'étaient retranchés.

Ces attaques avaient suscité une vague d'indignation dans le monde entier. Quelques jours plus tard, le 11 janvier, une manifestation d'ampleur historique avait rassemblé 1,5 million de personnes dans les rues de Paris, emmenée par des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernements de toute la planète.

Quel rôle ont joué les 14 accusés ? Que savaient-ils des attaques? Jusqu'au 10 novembre, la cour d'assises va s'efforcer de discerner le degré de responsabilité de chacun dans la préparation des attentats.

Trois d'entre eux manqueront cependant à l'appel et seront jugés par défaut: Hayat Boumeddiene, compagne de Coulibaly et figure du jihadisme féminin, et les frères Belhoucine, tous trois partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne.

La mort des frères Belhoucine, évoquée par diverses sources, n'a jamais été officiellement confirmée. Hayat Boumeddiene, un temps donnée morte, est pour sa part soupçonnée d'être en cavale en Syrie.

"Frustration"

Sur le plan pénal, les juges antiterroristes ont retenu les charges les plus lourdes -- la "complicité" de crimes terroristes passible de la réclusion à perpétuité -- contre l'aîné des frères Belhoucine, Mohamed, et contre Ali Riza Polat, qui sera lui dans le box des accusés.

Ce proche d'Amédy Coulibaly est soupçonné d'avoir eu un rôle central dans les préparatifs des attentats, en particulier la fourniture de l'arsenal utilisé par le trio terroriste, ce dont il se défend.

Son avocate, Me Isabelle Coutant-Peyre, a fustigé l'attitude de l'accusation envers son client, privé selon elle "d'un principe qui vaut pour tout le monde, la présomption d'innocence".

Les autres accusés sont essentiellement jugés pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle" et encourent vingt ans de réclusion. Celui qui comparaît libre sous contrôle judiciaire pour "association de malfaiteurs" simple, un délit puni de dix ans de prison.

L'absence des frères Kouachi et Amédy Coulibaly est une "source de frustration", a reconnu le procureur national antiterroriste, tout en "récusant l'idée" que les 14 accusés soient "de petites mains, des gens sans intérêts".

Au total, la vague d'attentats perpétrés en France depuis janvier 2015 a fait 258 morts, la menace terroriste restant à un niveau "extrêmement élevé" cinq ans après les faits, selon l'Intérieur.

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