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Le retour à la vie de Franck, grand brûlé sauvé grâce à son jumeau

Un Pacs, une nouvelle maison et un bébé "pour tout de suite": Franck, brûlé sur la quasi-totalité du corps il y a 18 mois et sauvé grâce à la greffe de peau de son jumeau, ne manque pas de projets après cette prouesse médicale inédite.

Il s'est pacsé avec sa compagne Clémentine le 13 avril 2018, le jour même où il a quitté le centre de rééducation. Le couple projette de déménager pour "acheter la maison de nos rêves", explique à l'AFP Franck qui, aux dires de son frère, fera "un très bon père".

Les jumeaux trentenaires, Franck et Eric Dufourmantelle, dont la ressemblance reste frappante, même barbe, même sourire, témoignent de leur incroyable aventure médicale, faite de courage, d'obstination et de souffrances dans un ouvrage "Life" (Allary Editions).

"Life", la vie. Un mot sur la peau, au creux du coude. La seule partie des tatouages de Franck qui n'a pas été détruite par les flammes lors de son accident survenu au travail le 26 septembre 2016. Un signe, pour son chirurgien. Un "clin d'oeil du destin" pour lui.

Le technicien chimiste s'était transformé en torche après l'explosion du bidon qu'il manipulait.

Le pubis, les pieds et le visage en grande partie, ont été épargnés. Il a la paupière inférieure d'un oeil qui tombe, une oreille très esquintée.

Les mauvaises nouvelles s'accumulent alors -- risque défaillances d'organes, greffe durable avec don de tissus comme la peau impossible, moins de 1% de chance de survie pour ne pas dire zéro -- raconte Eric.


Un "truc dingue"

"Le truc dingue", ajoute-t-il, c'est que leur gémellité a failli passer inaperçue.

Les médecins, qui ne connaissaient le visage de Franck que couvert de bandages, ne pouvaient pas faire le rapprochement avec celui de son frère. En fait, c'est l'insistance d'Eric à vouloir aider alors qu'il n'y a plus d'espoir qui déclenche le branle-bas de combat. Il revient à la charge: "Je suis son frère. Son frère jumeau quand même."

Vrai jumeau ? Homozygote (même oeuf)? lui demande sans broncher un médecin. "J'ai répondu oui. Quelques heures après j'étais convoqué dans le bureau du Pr Mimoun".

L'avantage d'une greffe de peau entre vrais jumeaux : il n'y a pas de rejet puisqu'ils ont un capital génétique identique.

"C'est la première fois qu'on réalise une greffe de peau entre jumeaux sur 95% du corps", expliquait en novembre à l'AFP le Pr Maurice Mimoun, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) à Paris, qui a mené l'opération.

Les cas publiés jusque-là dans le monde allaient de 6 à 68% environ et portaient sur 45% de la surface du corps en moyenne, selon le chirurgien.





Parties de ping-pong

Pour Franck, la rééducation va "continuer en libéral". Il éprouve encore "une forme de gêne avec la sensation d'être dans une combinaison". Sa peau doit encore s'assouplir. Des cures thermales sont prévues tous les ans et cela devrait durer "dix-vingt ans".

Ce sportif peut maintenant courir 10 à 15 minutes, faire du ping-pong. Il peut écrire, manger avec sa main droite et "faire des gestes quotidiens". "La main gauche qui aurait due être amputée est vraiment handicapée", précise le rescapé, qui vit près d'Amiens.

Soutenu par son jumeau, avec lequel il s'engueule volontiers comme autrefois, et les siens, Franck, 34 ans, va de l'avant même s'il sait que les arts martiaux (judo-jujitsu) dont lui et son frangin sont adeptes, ne sont plus d'actualité.

"Fumeur occasionnel (3-4 cigarettes/jour)", il a "repris". "C'est le stress", le défend Eric.

Eric, lui, ne conserve que quelques rougeurs sur le dos, traces de prélèvements de peau "pelée à vif". Il les montre sans s'étendre sur les douleurs subies, sans regrets, pour permettre à son frère de vivre.

Le livre en dit plus, comme "quand une infirmière à la voix très douce (...) a entrepris de masser la tête". "Une goutte d'eau dans un océan d'enfer", raconte-t-il.

Sans l'hôpital public, ajoutent les deux frères, tout cela n'aurait pas été possible: pour payer ces soins, l'hypothèque de nos maisons n'auraient "pas suffi".

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