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Le syndicat étudiant Unef mis en cause sur la laïcité

Déjà affaiblie, l'Unef fait face à un nouveau front: une de ses responsables, musulmane voilée, est vue comme le symbole d'un renoncement de l'organisation étudiante de gauche au combat laïque et féministe, ce dont le syndicat se défend.

A l'origine d'une vive polémique, un commentaire sur les réseaux sociaux de Laurent Bouvet, cofondateur du mouvement Printemps républicain et membre du conseil des sages de la laïcité.

"A l'Unef, la convergence des luttes est bien entamée", ironise le politologue sous une image de la présidente du syndicat à Paris-Sorbonne, Maryam Pougetoux, la tête et le haut du buste couverts d'un hijab (foulard islamique) ne laissant apparaître que l'ovale de son visage, alors qu'elle s'exprimait sur la mobilisation contre la réforme de l'accès à l'université.

Le très militant Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a dénoncé dans ce message le lancement d'une "campagne de cyberharcèlement" contre la syndicaliste, source d'un "déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe".

De son côté, l'Unef a demandé que l'université de Versailles Saint-Quentin, où Laurent Bouvet enseigne, "rappelle à l'ordre" son professeur.

L'intéressé n'est pas favorable à l'interdiction du voile à l'université, mais s'interroge sur le sens de ce foulard couvrant arboré par la jeune syndicaliste. "C'est de l'islam identitaire, c'est clair", dit-il à l'AFP.

Il y voit le symptôme d'"une dérive de l'Unef qui, il y a encore quelques années, faisait des campagnes de communication où l'on voyait deux jeunes faire l'amour et défendait la laïcité" comme principe de "neutralité de l'espace public".

Aujourd'hui, "on voit la difficulté à articuler les combats progressistes de l'organisation (droits des femmes, avortement, mariage gay, PMA...) et son besoin de faire alliance, pour ne pas perdre trop de terrain, avec des islamistes politiques qui défendent une vision conservatrice", assure M. Bouvet.

En cause notamment: les listes électorales que l'Unef, détrônée par la Fage comme premier syndicat étudiant et englué dans un scandale de harcèlement sexuel, a présentées avec les Etudiants musulmans de France (EMF). Cette association est membre du mouvement Musulmans de France, l'ex-UOIF, réputé graviter dans la sphère d'influence de la confrérie islamiste des Frères musulmans.

- "Damnés de la terre" -

Interrogée par l'AFP sur ces alliances, la présidente nationale de l'Unef, Lilâ Le Bas, les relativise en mettant en avant des collaborations "avec d'autres organisations confessionnelles sur les campus".

"Nous ne sommes pas pour l'interdiction du port du voile à l'université mais pour que l'ensemble des étudiants puissent avoir leur place à l'Unef, et les femmes voilées en font partie", fait-elle valoir.

D'anciens dirigeants historiques ne cachent toutefois pas leur trouble. "Qu'une adhérente du syndicat décide de porter le voile (...), je peux l'admettre, (...) mais qu'elle devienne porte-parole, cela n'est pas possible", écrit sur Facebook l'ancien député PS Julien Dray, animateur de l'Unef dans les années 80, alors succursale du PS, notant que le syndicat s'est battu pour l'interdiction des signes religieux.

"Il y a un signal envoyé, celui d'un regain de religiosité", s'étonne aussi Emmanuel Maurel, député européen, membre du bureau national du PS, et qui était à l'Unef-Sorbonne dans les années 90. Pour lui, cela traduit une forme de "perte de repères" dans une partie de la gauche et à l'Unef, dont la tradition était d'être "laïque et universaliste".

Pour Abel Mestre, journaliste au Monde et bon connaisseur de l'organisation, "l'Unef s'est complètement séparée des influences des partis politiques. Le corollaire, c'est qu'il n'y a plus la structuration des anciens, qui donnaient des lignes à suivre".

Comme d'autres organisations de gauche, le syndicat est désormais perméable à un antiracisme plus politique qu'universaliste, comme l'illustre l'organisation de réunions non-mixtes réservées à des militantes ou à des "racisés", c'est-à-dire des non-blancs.

"La question de la laïcité traverse toute la gauche: il n'y aucune raison que l'Unef soit épargnée", relève Abel Mestre. Le clivage est "générationnel": la lecture laïque stricte des aînés s'est assouplie chez les plus jeunes. Sans compter la tendance, pointée par Laurent Bouvet, à considérer uniquement les musulmans comme des "damnés de la terre".

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