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Le tableau très sombre dressé par la Contrôleure des prisons après 10 ans d'exercice

Prisons, centres de rétention, hôpitaux psychiatriques: la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté dresse un tableau très sombre dans son rapport annuel publié mercredi, s'inquiétant de "reculs" des droits alors que cette autorité indépendante fête ses dix ans.

Le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été créé par une loi fin 2007, avec la mission de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. En 2017, des contrôleurs ont visité 148 établissements: prisons, locaux de garde à vue, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention administrative (pour les étrangers) ou centres éducatifs fermés (pour les mineurs).

"Depuis la date de création du CGLPL, le contexte a changé", souligne la Contrôleure générale Adeline Hazan dans l'avant-propos du rapport, déplorant des "reculs". "En 2007, l’idée que l’enfermement ne pouvait s’accompagner de violations des droits fondamentaux paraissait avoir fait son chemin", écrit la Contrôleure générale, en poste depuis 2014.

"Le contexte est beaucoup plus sécuritaire aujourd'hui; le rôle du CGLPL est donc peut-être encore plus important", a-t-elle dit lors d'une conférence de presse.

En prison, "les préoccupations sécuritaires prennent de plus en plus souvent le pas sur les autres objectifs de la détention", selon le rapport. Par exemple, "la timidité devant les demandes de permission de sortie rend des démarches de réinsertion impossibles".

Le principal fléau des prisons, la surpopulation, continue de "s'aggraver". Au 1er décembre, 69.714 personnes étaient détenues pour 59.165 places. Cela constitue "un obstacle à la mise en œuvre d'un véritable travail de réinsertion et de lutte contre la récidive", dénonce le rapport, publié après une vaste mobilisation des gardiens de prison en janvier contre leurs conditions de travail.

Ce rapport 2017 a été bouclé avant le discours d'Emmanuel Macron, le 6 mars, sur la réforme du système des peines prévoyant de réserver la prison aux cas les plus graves et de développer les peines en milieu ouvert.

"C'est la première fois qu'un président de la République s'empare avec autant de force du sujet de la prison", a salué Mme Hazan, se félicitant en particulier de la fin des courtes peines. En revanche, la suppression des aménagements de peines entre un et deux ans est, selon elle, "une erreur".

"Ces différentes mesures risquent de se neutraliser", a-t-elle ajouté, s'interrogeant sur leur impact sur la surpopulation carcérale.

- "Mesures humiliantes" -

La Contrôleure met en avant "une hausse inquiétante du nombre des mineurs détenus", qui étaient 775 au 1er juin 2016 et 851 un an plus tard.

De même, dans les centres de rétention administrative, où sont enfermés les étrangers dans l'attente de leur expulsion, le nombre d'enfants "ne cesse d'augmenter". Or dans ces locaux, souvent "trop exigus", "à l'hygiène déplorable", il y a "une sécurisation de type carcéral".

Adeline Hazan critique l'allongement prévu par le projet de loi Asile et immigration de la durée maximale de rétention, qui passera de 45 à 90 jours.

Dans les établissements de santé mentale, les hospitalisations sans consentement ont doublé en dix ans. "Il n'est pas rare que les soins sans consentement atteignent 40% du nombre des hospitalisations", déplore aussi le rapport.

En ce qui concerne les centres éducatifs fermés, "une reprise en main est urgente". "Les contrastes les plus grands sont possibles: ici la discipline est discrétionnaire et d'une grande fermeté, et là, on achète la paix par le laxisme", dénonce le rapport.

La garde à vue n'est pas épargnée: Adeline Hazan déplore "le caractère systématique de mesures de sécurités inutiles et humiliantes comme le port de menottes ou le retrait des lunettes".

Quelques "motifs de satisfaction" sont cependant soulignés. Quand les 25 contrôleurs permanents se rendent sur les lieux, leur visite produit "immédiatement" des effets sur la vie concrète des personnes privées de liberté", écrit Mme Hazan, citant notamment un accès aux soins facilité ou la limitation de recours à des mesures de sécurité humiliantes.

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