Accueil Actu

Les caméras-piétons pour accompagner les LBD n'est pas la "solution miracle"

Plutôt bien accueillie chez les policiers, la décision du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner d'équiper de caméras-piétons les forces de l'ordre dotées du controversé lanceur de balles de défense (LBD) n'est pourtant pas "la solution miracle".

"La démarche est bonne. Il y a une prise de conscience que ces blessures sont graves. Cela peut avoir un facteur apaisant d'un côté comme de l'autre", estime une source policière.

Face à la controverse autour des LBD, une arme non-létale tirant des balles de caoutchouc de 40 mm de diamètre, accusés d'avoir causé de graves blessures et notamment d'avoir éborgné des manifestants, Christophe Castaner a annoncé mardi que les policiers et gendarmes utilisant cette arme seraient équipés d'une caméra-piéton dès samedi, lors de l'acte 11 des "gilets jaunes".

Mercredi, le directeur général de la police nationale (DGPN) Éric Morvan a donné instruction de doter "dans toute la mesure du possible, les policiers porteurs du LBD d'une caméra-piéton".

"La majorité des utilisateurs de LBD seront équipés dès samedi mais pas tous", selon une source proche du dossier, qui souligne la difficulté de réaffecter des caméras prévues initialement pour les contrôles d'identité.

Dès lors, soit l'utilisateur de LBD porte une caméra-piéton, soit c'est un de ses collègues à proximité. Une troisième possibilité existe déjà "à petite échelle" avec un policier qui filme le maintien de l'ordre dans son ensemble.

La caméra-piéton n'est cependant pas "la solution miracle" jugent des sources policières. C'est même "une vraie fausse bonne idée", pour Frédéric Lagache du syndicat Alliance.

La caméra doit être déclenchée avant l'action, et elle ne peut pas tourner 24h/24 car elle ne dispose que de 3H d'autonomie. "Dans une situation d'urgence de maintien de l'ordre, sur de la légitime défense, je ne sais pas comment le collègue déclenche la caméra", souligne Frédéric Lagache.

"En aucun cas l'absence d'enregistrement ne peut pour autant constituer un motif invalidant le recours au LBD", rappelle d'ailleurs Eric Morvan dans son instruction.

- "Climat de suspicion"-

Une expérience a été menée dans l'Ain à Bourg-en-Bresse lors de l'acte 10 des "gilets jaunes" où les porteurs de LBD ont été équipés d'une caméra.

"On a vu que selon où est positionnée la caméra - le torse ou le sternum - cela fonctionne plus ou moins bien", explique à l'AFP une source policière. Lorsque le tireur épaule son LBD, "la caméra peut aussi bouger" ou l'image "être masquée par un bras", selon cette source. Mais "le niveau sonore est cependant très bon", ajoute-t-elle.

Autre inconvénient : la distance. Les LBD ont une portée jusqu'à 25 voire 50 mètres. La caméra-piéton "est utilisée pour le contrôle d'identité", rappelle Frédéric Lagache, et "au delà de 5 mètres on ne voit rien" sur l'enregistrement.

"La luminosité a aussi son importance, la nuit on ne voit rien non plus", ajoute la source policière pour qui "il ne faut pas croire que c'est l'alpha et l'oméga, c'est juste la meilleurs solution pour le moment".

Alternative CFDT qui "salue" cette initiative met cependant "en garde les autorités contre la volonté d’imposer un déclenchement permanent qui pourrait laisser croire une certaine suspicion quant aux comportements des policiers et gendarmes face aux +gilets jaunes+".

"Le climat de suspicion vise une fois de plus la police", insiste Fredéric Lagache, "mais puisqu'il faut prouver par l'absurde, nous le ferons. Nous n'avons rien à cacher".

"En 2018, le nombre de policiers de sécurité publique blessés en maintien de l'ordre et service d'ordre a augmenté de +400%. Tout ce qui permet de faire baisser le niveau de violence est fondamental", a tweeté mercredi Eric Morvan.

"La caméra-piéton, associée dans la mesure du possible à l’usage du LBD, éclairera le contexte de violences et la réponse des forces de l'ordre. Nous travaillons à une solution vidéo intégrée et performante", a-t-il aussi twitté.

Selon M. Castaner, sur 81 enquêtes dont a été saisie l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), quatre concernent des personnes gravement blessées à l’œil par des LBD depuis le début du mouvement le 17 novembre. Mais selon le collectif militant "Désarmons-les" et le journaliste indépendant David Dufresne, 17 personnes ont perdu un œil.

À lire aussi

Sélectionné pour vous