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Les hausses d'impôts toucheront les plus riches... et les autres

Les hausses d'impôts annoncées par François Hollande aux ménages pour l'an prochain toucheront en priorité les plus riches, mais peu de foyers imposables y échapperont, selon les spécialistes.

Q: Les plus modestes échappent-ils aux hausses d'impôts ?

R: Les plus modestes, oui, les classes moyennes, non.

Les foyers non imposables (moins de 5.900 euros déclarés par part) le restent, et ceux qui déclarent moins de 12.000 euros par part ne paient pas plus qu'en 2012, grâce à la "décote".

Ces deux catégories représentent 20 millions de foyers fiscaux, selon le syndicat des impôts Solidaires, mais il faut encore que la "décote" soit "bien calibrée".

Pour les 16 millions de foyers restant, dont les classes moyennes, les impôts augmentent à cause du gel du barème de l'impôt sur le revenu (IR).

La facture pour les classes moyennes "se chiffre en milliards, à des montants beaucoup plus importants que la tranche supplémentaire (de l'IR) ou que les 75%" qui visent les plus riches, relève l'économiste Thomas Piketty, proche du PS. Ce gel "est la façon la plus hypocrite et la moins juste d'augmenter les impôts", critique-t-il.

Q: Avec la taxe à 75%, les ultra-riches vont-ils payer beaucoup?

R: Pas forcément, même si M. Hollande veut une taxe sans exceptions.

Si le gouvernement estime que seuls 2.000 à 3.000 contribuables seront touchés, pour ceux-là, "ce n'est pas symbolique", juge l'avocat fiscaliste Michel Taly, même si les mesures sur l'impôt sur le revenu rapporteront "beaucoup plus d'argent à l'Etat".

Mais pour d'autres spécialistes, beaucoup de très riches y échappent car ils gagnent plus d'argent en dividendes et intérêts (non soumis aux 75%) qu'en salaires.

La taxe à 75% n'a "aucune" efficacité budgétaire, selon les conseillers en gestion FIP Patrimoine: "l'objectif est de donner l'exemple, pas de dégager des recettes supplémentaires".

"On est dans le bricolage caractérisé", selon M. Piketty, pour qui de grandes fortunes continueront de ne payer "ni ISF, ni taxe à 75%".

Q: Au-delà de ce symbole, d'autres mesures visent-elles les riches?

R: Oui. Le plafonnement global des niches fiscales, dont les détails n'ont pas été communiqués, peut "avoir un gros impact sur les riches", qui utilisent davantage ces niches, juge M. Taly.

Globalement, cela pourrait être une source importante de revenus pour l'Etat, opine le secrétaire général du syndicat des impôts Solidaires, Vincent Drezet, et touche "plutôt les classes aisées ou très aisées".

Enfin, les revenus en centaines de milliers d'euros annuels sont concernés par la création de la tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu.

Cette tranche "devrait rapporter quelques centaines de millions d'euros à un milliard", selon M. Taly. M. Drezet juge que 40.000 à 100.000 foyers sont concernés.

Enfin, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) doit être relevé, selon des modalités qui restent à préciser. Cependant, des spécialistes remettent en cause son efficacité et jugent que trop de fortunes y échappent en profitant des subtilités fiscales.

Q: Ceux qui vivent de la rente sur leur capital (actions, intérêts...) passent-ils entre les gouttes ?

R: Non, du moins pas totalement. Le gouvernement veut aligner la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, plus élevée pour les gros montants. Ceux qui gagnent beaucoup d'argent en dividendes ou en intérêts sont donc concernés.

Puisque le barème de l'impôt sur le revenu est progressif, "a priori, une telle mesure favoriserait les petits actionnaires par rapport aux gros" et l'alignement des taux donnerait donc tout son sens à la tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu, juge M. Drezet.

Cependant, aucun détail n'a été donné, et une réforme pourrait toucher des points sensibles, dont la fiscalité de l'assurance-vie.

Q: Les hausses d'impôts rendent-ils le système fiscal plus juste et plus redistributif ?

R: Pour les spécialistes, le président n'a pas annoncé de grande réforme fiscale.

"Ces mesures ne sont pas faites pour faire de la redistribution", résume M. Taly. "Si on en reste là, c'est assez frustrant, on dégage des ressources supplémentaires sans toucher à la structure de l'impôt", regrette Vincent Drezet, qui se félicite toutefois qu'on "reparle de progressivité".

Quant à Thomas Piketty, qui plaide pour une refonte en profondeur de la fiscalité, le "diagnostic reste d'actualité, le système fiscal reste mité" par les nombreuses exonérations et trop complexe.

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