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Macron prépare un atterrissage incertain au Parlement européen

Dynamiter la mécanique des partis européens ou jouer les trouble-fête de l'intérieur? S'insérer au centre ou tendre la main à la droite au pouvoir ? A 16 mois des élections européennes, Emmanuel Macron temporise sur sa stratégie et laisse le Parlement dans l'expectative.

Alors que les chefs d'Etats européens se réuniront vendredi à Bruxelles pour évoquer la composition du Parlement après les élections, la question de l'influence de M. Macron sur la tectonique des forces politiques reste en suspens.

Les négociations "n'ont pas encore commencé. On est dans la phase où l'on se renifle. On se dit +ah, il a les mêmes phéromones que moi+", plaisante auprès de l'AFP Guy Verhofstadt, président du groupe centriste ADLE au Parlement, qui se présente comme l'allié naturel de M. Macron.

Si les grandes manoeuvres débuteront une fois passées les élections italiennes de mars, les couloirs frémissent de spéculations, notamment sur la capacité des grandes familles politiques (la droite du PPE, les sociaux-démocrates du S&D, l'ADLE...) à surmonter leurs divergences internes. Des fractures sur lesquelles M. Macron, qui se rendra au Parlement le 17 avril, pourrait s'appuyer pour se ménager une place de choix aux élections de 2019, avec deux scenarii possibles: créer un groupe à sa main ou, plus modestement, s'insérer dans un groupe existant.

"J'ai l'impression que la boule continue de rouler dans la recomposition politique et va complètement modifier les lignes de partage", pronostique l'eurodéputée MoDem Nathalie Griesbeck.

"Personne n'admettra publiquement que son groupe est faible. Mais la réalité, c'est que la crise est dure partout, à gauche comme à droite", abonde l'Espagnol Javier Nart, élu de Ciudadanos proche de La République en marche.

M. Macron compte donc occuper un espace politique organisé autour d'un nouveau clivage entre progressistes pro-européens et conservateurs eurosceptiques, en espérant grappiller des forces à droite comme à gauche. Socle de sa démarche, le discours de la Sorbonne de septembre, à tonalité très programmatique.

"Mais si vous dites aux partenaires que c'est à prendre ou à laisser, ce n'est pas comme ça que vous rassemblez au-delà des clivages et groupes existants", nuance le député français Pieyre-Alexandre Anglade, qui va piloter la "task force" du parti présidentiel pour préparer le scrutin.

- Pas 'en pays conquis' -

"Il y a plusieurs points fondamentaux pour nous mais, au niveau européen, il faut aussi être capable d'intégrer des perspectives qui viennent d'ailleurs" pour "arriver à une vision commune", explique-t-il encore.

M. Macron devra cependant surmonter des obstacles de taille.

En premier lieu, son manque d'antenne au Parlement où un seul eurodéputé français est ouvertement "En Marche", Jean Arthuis. D'autres seraient en approche, chez les écologistes (José Bové), à droite (Arnaud Danjean) ou à gauche (Gilles Pargneaux).

Cette absence de relais engendre une méconnaissance des rigidités au sein des groupes, alors que le PPE, dominé par les Allemands de la CDU-CSU, est traditionnellement maître du jeu. Le Premier ministre Edouard Philippe a d'ailleurs rencontré samedi lors d'un passage à Munich le patron du groupe, l'Allemand Manfred Weber.

"Il ne faut pas qu'il vienne ici en pays conquis", diagnostique l'eurodéputé français Alain Lamassoure. "Au mieux, il peut espérer que le groupe politique qui émanerait de sa formation soit le deuxième du Parlement européen, derrière le PPE. Mais il ne sera qu'un +junior partner+ du PPE et donc de la CDU", appuie-t-il.

Si l'Elysée semble avoir fermé la porte à un rapprochement avec le PPE car "trop marqué à droite", il est donc "condamné au centre", selon M. Lamassoure.

"Les socialistes sont en crise, le PPE a comme seule préoccupation de garder le pouvoir. La conclusion, c'est qu'il faut une troisième force qui n'a pas peur de faire les réformes nécessaires", plaide M. Verhofstadt.

"Je pense que l'ADLE est tout à fait prêt à participer à une initiative (...) sui generis", explique M. Verhofstadt qui avance des sondages flatteurs lui offrant une centaine d'eurodéputés, "et tout ça avant une opération possible de recomposition".

"Il y a des bases dans beaucoup de pays. Mais il faut oser, se lancer", exhorte-t-il.

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