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Maduro, le survivant de la crise vénézuélienne qui s'accroche au pouvoir

Il y a un an, tout le monde le disait perdu. Personne n'imaginait qu'il allait se représenter. Et pourtant, Nicolas Maduro, au coeur d'une des pires crises politique et économique traversée par le Venezuela, a été réélu dimanche pour un second mandat jusqu'en 2025.

Cet ancien chauffeur de bus de 55 ans, corpulent et à la moustache noire fournie, s'est imposé avec 67,7% des voix lors d'un scrutin marqué par une très forte abstention et sans adversaire de poids. Il avait lui-même choisi d'avancer la date de l'élection de décembre à mai.

"On a encore gagné ! (...) Nous sommes la force de l'histoire transformée en une victoire populaire permanente", a lancé dimanche devant ses partisans le chef de l'Etat, qui racontait peu avant que toute sa famille l'appelait "Nico".

Pourtant, au départ, il a dû lutter pour se faire respecter comme légitime successeur d'Hugo Chavez (président de 1999 à son décès en 2013), qui l'avait adoubé personnellement en lui confiant les rênes de "la révolution bolivarienne".

"Son autorité est née comme un héritage de Chavez, mais maintenant nous avons un Maduro différent, qui se sait fort et est plus agressif", explique à l'AFP Félix Seijas, directeur de la société de sondages Delphos.

Sous son mandat, le chemin n'a toutefois pas été rose: crise économique, manifestations, sanctions internationales... pour garder la main, il a fini par attribuer un pouvoir absolu à l'Assemblée constituante, uniquement composée de chavistes.

"Il y a cinq ans j'étais un novice", confiait-il récemment dans un meeting. "Maintenant je suis un Maduro debout, avec l'expérience de la bataille, qui a affronté l'oligarchie et l'impérialisme. Je suis là, plus fort que jamais."

Malgré son taux d'impopularité (75% selon Datanalisis), il était le favori des sondages face à Henri Falcon, dissident chaviste qui devait lutter à la fois contre la mainmise institutionnelle du président et les appels à l'abstention des principaux partis d'opposition.

- Discours enflammés -

Elu de justesse en 2013 face à Henrique Capriles (depuis déclaré inéligible), Nicolas Maduro est accusé par ses détracteurs de mener une gestion économique erratique et d'être un "dictateur" accaparant tous les pouvoirs, surtout l'armée.

Seul bastion conquis par l'opposition, le Parlement s'est vu confisquer ses prérogatives par la Constituante.

Hugo Chavez, qu'il a connu en 1993, le considérait comme "un révolutionnaire pur et dur".

Mais certains sont sceptiques: "Il est peut-être maduriste, mais pas chaviste", commente à l'AFP Ana Elisa Osorio, ancienne ministre d'Hugo Chavez.

Face aux critiques, il répond qu'il est un "président démocratique" et assure que c'est une "guerre économique de la droite", avec l'aide des Etats-Unis, qui a causé l'hyperinflation et les pénuries d'aliments et de médicaments.

"Il a été sous-estimé, non seulement par l'opposition mais aussi par beaucoup de chavistes", souligne Andrés Cañizalez, chercheur en communication politique.

"Mais il a su profiter des erreurs des uns et des autres, en parvenant aussi à neutraliser ses adversaires au sein du chavisme."

Pressenti comme possible candidat présidentiel, Rafael Ramirez, ex-président du groupe pétrolier PDVSA et homme de confiance de Chavez, a été écarté de son poste d'ambassadeur auprès de l'ONU pour corruption présumée.

- Audace politique -

"Maduro a effectué une métamorphose et ces élections sont l'apogée de ce processus: nous pourrions être en train de passer du chavisme au +madurisme+", estime M. Cañizalez.

Félix Seijas y voit beaucoup d'audace politique. Il a été "un grand équilibriste qui a réussi à maintenir une distribution du pouvoir" au sein du chavisme, en gagnant "de l'autorité pour imposer sa candidature".

Dépourvu du charisme de Chavez, Maduro a tenté de l'imiter avec de longues apparitions quotidiennes à la télévision, un phrasé populaire et une rhétorique anti-impérialiste. Peu à peu, il est parvenu à construire sa propre image.

Se décrivant comme "président ouvrier", il conduit sa camionnette, se moque de son piètre niveau d'anglais, danse la salsa et le reggaeton et est omniprésent sur les réseaux sociaux.

Oublié le temps où il s'affichait comme modéré et fin négociateur comme ministre des Affaires étrangères et vice-président: place aux discours enflammés contre l'opposition et aux dénonciations de complots en tous genres.

Passionné de baseball, il était, adolescent, guitariste d'un groupe de rock.

Marié à l'ex-procureur Cilia Flores, avec qui il apparaît toujours, allant jusqu'à danser avec elle dans les meetings, il est le père de "Nicolasito", député de l'Assemblée constituante de 27 ans, fruit d'un premier mariage.

Signe de son changement d'image, son slogan de campagne est cette année "Tous avec Maduro, loyauté et avenir". En 2013, c'était "Chavez pour toujours, Maduro président".

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