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Mai 68 vu par l'AFP - Nanterre : quand le doyen tente de comprendre...

A l'avant-garde depuis des mois de l'agitation universitaire, la faculté de Nanterre, à l'ouest de Paris, est fermée le 2 mai 1968 par le doyen Pierre Grappin qui tente avec peine le lendemain devant la presse d'analyser les causes de la contestation.

Le département de sociologie où étudie Daniel Cohn-Bendit, bouillant et facétieux étudiant allemand né en France, et où enseigne notamment Alain Touraine, Jean Baudrillard ou Edgar Morin, est désigné comme le foyer d'une agitation où se mêlent revendications politiques, inquiétudes sur l'avenir, et désirs d'émancipation.

Mais contrairement aux attentes du doyen, la fermeture provisoire du campus ne signera pas un rapide retour calme...

Bulletin fermeture Nanterre

PARIS, 2 mai 1968 (AFP) - M. Pierre Grappin, doyen de la faculté de Nanterre, vient de décider la fermeture "sine die" de sa faculté.

Les cours seront repris, discipline par discipline, selon des modalités qui seront fixés ultérieurement.

AFP

Une conférence de presse du doyen Grappin

PARIS, 3 mai 1968 (AFP) - "Le campus était devenu, je n'ose pas dire un chaudron de sorcière, mais un espace clos replié sur lui-même", a déclaré ce matin M. Pierre Grappin, doyen de la faculté de Nanterre, qui recevait les journalistes après la fermeture décidée hier soir de la faculté. M. Grappin a regretté d'avoir été dans l'obligation de prendre une mesure aussi sévère et aussi extrême, "mais, a-t-il dit, il régnait dans la faculté un étrange climat, un état d'esprit insupportable, une véritable psychose de guerre".

Le doyen Grappin a tenté de déterminer les motifs des "étudiants progressistes" dont les actions ont semé le trouble dans la faculté. Il a remarqué, en particulier, que les scientifiques étaient beaucoup plus calmes, les littéraires, au contraire, étaient agités. Il a déclaré "nos facultés où l'on étudie les sciences humaines, qui ne sont pas des sciences exactes, sont devenues des foyers d'agitation, de ratiocinations, de révolutionnarisme". Il a remarqué que les facultés de Lettres étaient "peu embrayées sur le monde actuel", ce qui donne aux étudiants "un souci pour leur avenir".

Parlant de la situation particulière de Nanterre, le doyen a remarqué que "le mariage d'une résidence et d'une faculté à l'intérieur d'un même campus n'est pas heureux. C'est l'expérience qui le prouve".

Interrogé, le doyen Grappin a déclaré qu'il espérait - si la situation s'améliorait - pouvoir rouvrir la faculté à partir de la semaine prochaine. "De toute façon, a-t-il ajouté, une partie des examens se tiendra ailleurs qu'à la faculté de Nanterre et un contrôle sera exercé aux intérieurs et à l'intérieur de la faculté".

AFP

L’assemblée générale du "Mouvement du 22 mars" à Nanterre

PARIS, 17 mai 1968 (AFP) - Tout comme la Sorbonne, la faculté de Nanterre possède maintenant son piano. Des fresques à la peinture bleue et rouge recouvrent aussi les murs du grand amphithéâtre et on vend des ouvrages révolutionnaires dans les couloirs.

Le "Mouvement du 22 mars", qui tient depuis 11h30 son assemblée générale, vient de définir sa position vis-à-vis des examens, tout en précisant que ce n’était pas pour lui un problème de fond. Il maintient ses préalables sur l’amnistie totale et sur sa demande de renseignements à propos des "disparus" des manifestations, et souhaite que les examens soient renvoyés à trois semaines après la réalisation effective de ces demandes. Le Mouvement propose de plus :

1- Que tous les blessés des manifestations, les étudiants salariés, les boursiers et les sursitaires à échéance soient reçus automatiquement aux examens.

2- Que tous les étudiants qui ont un dossier satisfaisant soient reçus sur simple examen de ce dossier.

3- Que les autres passent devant une commission paritaire qui les jugera sur un sujet librement choisi par eux. L’examen pourra être écrit ou oral et se passer individuellement ou en groupe. /.../

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