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Meurtre d'une joggeuse près de Toulouse: tension et émotion au 2e jour du procès

"La partie civile est très blessée, limite outragée." Christian Bouchon n'a pas mâché ses mots vendredi, au lendemain d'une première journée d'audience où il a eu le sentiment que l'avocat général prenait le parti de celui qui est accusé du meurtre de sa femme.

Visiblement furieux, le magistrat a immédiatement répliqué qu'il n'avait pas à s'expliquer "sur quoi que ce soit" en menaçant de se retirer de l'audience.

Cette tension, rapidement calmée par le président de la cour d'assises de Haute-Garonne Guillaume Roussel, reflète bien toute la complexité de l'affaire Patricia Bouchon, agressée à Bouloc le 14 février 2011 alors qu'elle faisait son footing matinal. Son corps a été retrouvé un mois plus tard dans une canalisation, le crâne enfoncé.

La veille, la partie civile avait eu le sentiment que l'avocat général David Sena prenait le parti de l'accusé, en critiquant les enquêteurs, au lieu de porter l'accusation.

Dans le box des accusés, un homme, Laurent Dejean, présenté comme "psychotique" pendant l'enquête, qui a toujours clamé son innocence et dont le procès a failli de ne jamais avoir lieu.

En janvier 2018, l'avocat général de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse avait en effet estimé qu'il n'y avait pas, dans le dossier de 50.000 pages, les éléments suffisants pour un renvoi devant les assises. La chambre de l'instruction avait finalement tranché en faveur du renvoi devant un jury populaire.

La défense de M. Dejean entend plaider l'acquittement, faute d'éléments probants de culpabilité, et met en garde contre l'erreur judiciaire.

"Il n'y absolument pas de conviction pré-établie, je ne voudrais pas que vous vous imaginiez que les jeux sont joués", a affirmé le président de la cour à l'adresse de M. Bouchon.

- "Une battante" -

Après cet incident, parole a été donnée à la famille de la victime.

"Ma femme était un contraste: elle était très peureuse, et en même temps capable d'aller courir à 4h00 du matin", se souvient douloureusement M. Bouchon, faisant part de son sentiment de culpabilité.

"C'est un mal qui me ronge de n'avoir pas pu empêcher ça, j'ai fait beaucoup de choses pour essayer de la soigner", ajoute-t-il, la voix brisée, évoquant les "nombreux troubles obsessionnels" de son épouse de 49 ans. Le jogging, tous les jours à 4H30 du matin et pendant 35 minutes exactement, en faisait partie.

Le lundi de sa disparition, "elle avait repris le footing après 15 jours d'arrêt, à la suite d'une opération pour une hernie". Elle avait une volonté et une force mentale incroyables, c'était vraiment une battante", raconte M. Bouchon.

Sa fille Carlyne, prend la relève à la barre.

"Le jour de la fête des amoureux, on a brisé mon coeur, on m'a enlevé une partie de moi", dit-elle doucement, racontant comment la vie s'est arrêtée pour elle à partir de ce moment-là.

Ce n'est que quatre ans plus tard, après l'arrestation et la mise en examen pour homicide volontaire de Laurent Dejean, qu'elle va "réapprendre à sortir, à vivre", confie la jeune femme de 34 ans, qui se dit convaincue de la culpabilité de l'accusé.

Cet ouvrier plaquiste, détenu depuis 2015, est aujourd'hui âgé de 39 ans. Il avait subi plusieurs hospitalisations d'office et faisait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée.

L'expert psychiatre qui l'a examiné lors de l'enquête a évoqué "un diagnostic de schizophrénie paranoïde", mais sans conclure à un abolition totale du discernement, synonyme d'irresponsabilité pénale.

Au cours des deux premiers jours de son procès, M. Dejean a semblé absent, paraissant avoir des difficulté à comprendre les question du président.

Le verdict est attendu le 29 mars et l'accusé encourt 30 ans de réclusion criminelle.

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