Accueil Actu

Migrants rêvant d'atteindre l'Angleterre, pêcheurs volés, bénévoles et forces de l'ordre: notre reportage sur la migration clandestine dans le nord de la France

Près de 600 migrants ont tenté de traverser la Manche en 2018. Tous les moyens sont bons pour rallier l'Angleterre, y compris s'entasser sur des embarcations de fortunes. A tel point que les autorités des deux côtés de la Manche ont décidé de renforcer leurs contrôles. Pour mieux comprendre ce phénomène, RTL INFO a préparé un dossier inédit. Deux de nos équipes se sont rendues sur place. Voici la première partie de notre enquête qui commence en France.

Au milieu d’un bois à Grande-Synthe, nous rencontrons un campement de migrants pakistanais. Ils sont installés là depuis plusieurs mois maintenant. Ils n’ont qu’une idée en tête: "Tous les jours j'essaie d'aller en Angleterre. De temps en temps j’essaie en train ou en camion mais il y a énormément de contrôles. J’essaie d’y aller mais il y a des problèmes. En attendant, je dois rester ici car je n’ai pas de maison ni d’argent", confie Salman.

Nous faisons aussi la rencontre de Patrick, professeur en Belgique. Depuis trois ans, il vient toutes les deux semaines pour apporter des vivres aux migrants. "Ils ont demandé l'asile déjà en Allemagne, en France, en Belgique, et à chaque fois c'est le refus. Le seul endroit où ils espèrent encore pouvoir passer, c'est l'Angleterre", explique Patrick.

Comme pour tous les migrants dans le Pas-de-Calais, l'objectif est le même: atteindre l'Angleterre. En 2018, la préfecture maritime a comptabilisé 78 traversées ou tentatives de traversée impliquant 583 migrants. Un chiffre en nette augmentation, puisqu'en 2017, la préfecture a comptabilisé 13 traversées ou tentatives, impliquant 45 migrants.

Des pêcheurs volés

Nous nous sommes ensuite rendus au quai Gambetta à Boulogne-sur-Mer. Plusieurs vols et tentatives de vols de bateaux ont eu lieu ces dernières semaines. Une situation difficile pour les pécheurs. "Sur trois semaines d'intervalle, ils ont fait au moins une dizaine de bateaux. En une même nuit, ils ont essayé d'en voler quatre déjà", indique Julien Baillet, pêcheur. "Nous-mêmes qui faisons partie du remorquage de Boulogne on a été victime aussi, ils nous ont pris le zodiac devant sur le bateau. Ça devient vraiment impossible", précise Jean-Bernard Baillet, maître d'équipage.

"On arrive avec la boule au ventre. Déjà à la maison le soir vous dormez pas, vous avez l'inquiétude d'arriver au matin et que le bateau ait été vandalisé et que vous ne puissiez pas partir en mer. On a toujours cette crainte", ajoute encore Stéphane Pinto, vice-président du Comité régional des pêches.


Une hausse des traversées durant l'année dernière

En 2018, les traversées par la mer ont connu une augmentation intensive:

- 3 le premier trimestre.
- 5 le deuxième trimestre.
- 10 le troisième trimestre.
- 60 le quatrième trimestre.

"La seule nuit de Noël, une quarantaine de migrants ont tenté de passer. Parce que les conditions climatiques étaient très bonnes. On était en pleine lune, avec une mer d'huile quasiment. Ces conditions climatiques sont très surveillées par les passeurs, qui en profitent pour faire passer le maximum de migrants lors de ces nuits qui sont calmes", explique Alain Bessaha, directeur de cabinet du préfet.


Des bénévoles pour venir en aide aux migrants

Maya travaille depuis 5 ans pour l’auberge des migrants, qui compte environ 70 bénévoles. Selon elle cette augmentation des traversées va de pair avec l’arrivée massive d’Iraniens à Calais. "Je pense que c'est peut-être parce qu'ils ont moins peur de la mer. Quelqu'un qui vient d'Afrique et qui a eu une traversée absolument terrifiante de la Méditerranée", confie Maya Konforti, secrétaire de l'auberge. "Pour nous c'est une évidence, s'ils sont réduits à ce genre de choses qui sont extrêmement dangereuses, c'est à cause des conditions d'accueil, ou plutôt de non-accueil sur le terrain. À Calais en particulier, ils sont quasiment sûrs que les campements sont démantelés tous les deux jours", indique Claire Millot, secrétaire générale de l'association "Salam".


Des agents français et anglais travaillent côte à côte dans le même bâtiment

Nous nous sommes ensuite rendus au centre conjoint d'information et de coordination franco-britannique. Un tout nouveau bâtiment construit il y a seulement quelques mois. Le but ici est vraiment d'améliorer la coordination entre les forces de police françaises et anglaises dans la gestion de la crise migratoire.

A l’intérieur du bâtiment sécurisé: d’un côté les Français et de l’autre les Anglais. "L'objectif de la proximité de ces agents est de favoriser l'échange d'information pour éviter toute traversée qui peut s'avérer dangereuse sur la Manche, mais également pour prévenir tout passage, notamment par le biais des poids-lourd ou de véhicules légers", précise Franck Toullou, directeur adjoint à la direction interdépartementale de la police aux frontières.

Direction ensuite le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage maritimes, situé sur le Cap Gris-Nez. La vigilance est également accrue en cette période. "Ici on est dans le détroit international le plus fréquenté au monde. On a 400 navires qui transitent dans le détroit chaque jour. Les risques de collision avec un gros navire de commerce sont considérables, donc c'est vraiment extrêmement dangereux et périlleux de se lancer dans ce type de navigation", explique Marc Bonnafous, directeur du Cross.

"Nous ce qu'on a essayé de faire c'est, en plus de déployer un dispositif en mer maritime et aérien, de renforcer ce dispositif de manière à éviter un drame en mer, et puis d'être présent en mer tous les jours et surtout toutes les nuits", précise encore Ingrid Parrot, porte-parole à la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du nord.

Il y aurait actuellement 400 à 600 migrants à Calais et dans les environs. Tous avec l’envie d’atteindre les côtes britanniques situées à seulement une trentaine de kilomètres.

À lire aussi

Sélectionné pour vous