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Militaires fauchés à Levallois: "Je ne suis pas venu en France pour faire des problèmes", affirme l'accusé

Au premier jour de son procès à Paris pour "tentative d'assassinat terroriste", Hamou Benlatreche, qui avait blessé six militaires en 2017 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) en fonçant sur eux avec sa voiture, a assuré être venu en France pour se "soigner, pas pour faire des problèmes".

Cet Algérien de 41 ans, qui soutient avoir perdu le contrôle de son véhicule à cause d'un malaise, malgré deux expertises jugeant cette version non vraisemblable, est revenu lundi sur son parcours marqué par des problèmes de santé depuis 2001 - un cavernome cérébral, une malformation des vaisseaux sanguins du cerveau, non opérable.

La tête baissée, s'exprimant à voix basse via une interprète, il a expliqué devant la cour d'assises spéciale souffrir depuis d'un strabisme divergent et être sujet à des vertiges et des évanouissements. "J'ai commencé à ne penser qu'à ça, à ma maladie. (...) Le professeur qui m'a ausculté (à Alger) m'a dit: +Tu n'as aucune chance d'être soigné si tu restes ici en Algérie+".

"En 2009, j'ai obtenu mon visa et je suis venu dans ce pays uniquement pour me soigner, pas pour faire des problèmes", a ajouté Hamou Benlatreche.

Il travaille alors sur les marchés. Il est nourri et logé grâce au réseau de solidarité de la mosquée qu'il fréquente. L'enquêtrice retraçant sa personnalité décrit un homme sans amis, recherchant la solitude et la tranquillité, se rendant tous les jours à la mosquée Ennour de Sartrouville (Yvelines), proche de son domicile de Bezons (Val-d'Oise).

A partir de 2014, il travaille à mi-temps dans la grande distribution puis, en parallèle, comme chauffeur de VTC, en dépit de ses problèmes de santé.

-Projet de voyage en Turquie-

Interrogé sur son rapport à l'islam et la fréquentation d'un groupe de prédication tabligh, prônant une interprétation littérale du Coran, il affirme que sa pratique religieuse était des plus banales et sans prosélytisme.

Son projet de voyage en Turquie au printemps 2017, avec une réservation d'hôtel à Istanbul annulée ensuite? L'accusation y voit une volonté de rejoindre un groupe armé en Syrie, mais l'accusé dit avoir voulu "visiter la Turquie avant d'emmener (sa) future femme en lune de miel", assurant que sa mère avait "des jeunes femmes en tête".

Si "l'heureuse élue n'est pas choisie, j'ai du mal à comprendre votre projet", rétorque le président de la cour.

Elevé en Algérie dans une famille de cinq enfants, avec un père policier, Hamou Benlatreche était "calme, gentil", témoigne son frère aîné.

"Choqué" lorsqu'il a appris les faits reprochés à son frère, il donne foi à sa version d'"un accident de la circulation". "Il n'avait pas tous ses esprits. Les accidents ça arrive", a-t-il estimé, dans un français très hésitant. Lui-même refusait de monter en voiture avec lui en Algérie, en raison de ses malaises fréquents.

Hamou Benlatreche affirme qu'il a perdu connaissance et que sa jambe droite s'est alors enfoncée sur la pédale d'accélération.

Plusieurs éléments du dossier mettent toutefois à mal cette explication: les images de vidéo-surveillance de Levallois du 9 août 2017, montrant une voiture circulant à faible allure puis accélérant brusquement tout en se déportant vers la droite, où se trouvait un groupe de militaires de l'opération Sentinelle, devant leur local. Les témoignages des militaires visés, qui assurent que le conducteur n'a "pas perdu le contrôle de son véhicule" et décrivent son "regard déterminé". Ou encore les analyses de géolocalisation montrant sa présence près du lieu de l'attaque les jours précédents, sans lien avec son activité de VTC, signe pour l'accusation d'une "préméditation".

Six des militaires présents seront blessés, dont trois sérieusement, avec des fractures aux lombaires pour l'un, un pneumothorax et des fractures costales pour le deuxième et une fracture de la clavicule pour le troisième.

Blessé lors de son arrestation quelques heures plus tard près de Calais (Pas-de-Calais), Hamou Benlatreche comparait en fauteuil roulant.

Pour l'accusation comme pour les parties civiles, les faits, survenus en pleine vague d'attentats jihadistes en France, portent bien la marque des attaques préconisées par le groupe Etat islamique (EI).

L'audience se poursuit mardi avec le témoignage des enquêteurs.

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