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Modernisation de la justice: coup d'envoi des débats à l'Assemblée

Tribunaux engorgés, prisons surpeuplées: l'Assemblée entame lundi l'examen de la réforme de la justice, qui entend adapter l'institution au XXIe siècle mais suscite les critiques des magistrats, des avocats et des oppositions.

"Pour rendre le meilleur service possible aux justiciables, la justice doit se renforcer et s’adapter (...) Nous devons ici rattraper un retard cruel", défend la garde des Sceaux Nicole Belloubet, qui donnera dans l'hémicycle à 16H00 le coup d'envoi des débats, prévus pour durer toute la semaine, avec plus de 1.500 amendements au menu.

Le premier article du texte prévoit l'évolution du budget de la justice pour les cinq prochaines années dans le cadre d'une loi de programmation: il passera de 7 à 8,3 milliards d'ici à 2022.

Ces moyens supplémentaires permettront la création de plus de 6.500 emplois (1.100 en 2018), la livraison de 7.000 nouvelles places de prison, le lancement de 8.000 autres et la création de 20 centres éducatifs fermés pour mineurs.

La réforme elle-même s'articule autour de différents axes: notamment simplifier les procédures civiles comme celle du divorce, et rendre la procédure pénale plus efficace en donnant de nouveaux outils aux enquêteurs et en protégeant mieux les victimes.

Il s'agit aussi de revoir l'organisation judiciaire avec la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance et la numérisation des procédures, diversifier la prise en charge des mineurs délinquants et enfin, alléger la charge des juridictions administratives avec le recrutement de magistrats honoraires ou de juristes assistants.

Parmi les autres mesures phares figurent la création d'un parquet national antiterroriste et d'un nouveau tribunal criminel.

- "Crise pénale et pénitentiaire" -

Le texte, examiné en première lecture dès octobre au Palais du Luxembourg, avait été largement amendé par les sénateurs, au grand dam de la ministre qui a évoqué des mesures "parfois vidées de leur substance".

Mais la commission des Lois de l'Assemblée est revenue au texte initial, enrichi avec des propositions de députés.

Ainsi, la commission a adopté des amendements favorisant le travail et les chantiers d'insertion en prison, ou élargi les droits des "majeurs protégés" placés sous tutelle ou curatelle.

Le texte reste mal accepté par les magistrats et avocats, qui critiquent un projet "purement gestionnaire" et prônent une justice plus "humaine et accessible".

Certains redoutent des fermetures de sites, d'autres mettent en balance la dématérialisation des procédures et les risques de fracture numérique, d'autres encore dénoncent un recul de la présence et du contrôle des juges.

L'observatoire international des prisons (OIP) a quant à lui appelé les députés à modifier en profondeur le texte "afin qu'il soit à la hauteur de la crise pénale et pénitentiaire actuelle". Comme l'OIP, le spécialiste de la démographie pénale, Pierre-Victor Tournier, a réclamé dans une lettre ouverte aux parlementaires, la création d'une "peine autonome de probation (sanction sans référence à l'emprisonnement)".

Au 1er octobre, on dénombrait 70.714 détenus avec une densité carcérale de 118% (1.353 détenus dormant sur un matelas posé à même le sol).

Plusieurs organisations dont la Ligue des droits de l'Homme ont par ailleurs appelé dans un livre blanc le gouvernement à stopper la répression de l'usage de drogue douce et à supprimer l'amende forfaitaire prévue dans le projet de loi.

Les oppositions sont également critiques. Plusieurs groupes (LR, PCF, PS) ont déposé des motions de rejet préalable du texte ou de renvoi en commission.

Devant la commission des Lois, Jean-Louis Masson (LR) avait pointé "un effort budgétaire pas à la hauteur", l'Insoumis Ugo Bernalicis dénoncé la construction de nouvelles places de prisons et le communiste Sébastien Jumel un creusement des "fractures territoriales" avec la suppression des tribunaux d'instance.

"L’équilibre entre l’accusation et les libertés individuelles n’est pas au rendez-vous" dans les enquêtes avec ce texte, avait pour sa part jugé la socialiste Cécile Untermaier.

Le Rassemblement national (RN) a déposé quant à lui des amendements réclamant "l'interdiction des prises de position politique" pour les syndicats de magistrats ou l'interdiction et la condamnation sévère des médias pour la publication d'éléments relevant du secret de l'enquête ou de l'instruction.

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