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Moto: Tom Pagès, le maestro seul au monde

Dans l'univers des riders accros aux voltiges délirantes avec une moto, le Français Tom Pagès est pilote en maître suprême. L'ado mal dans sa peau passionné de moto est passé par un burn-out qui a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui: la référence.

Un petit matin dans un domaine qu'il s'est aménagé au coeur de la Catalogne. Thomas Pagès est seul sur sa moto - à l'image de sa vie - et répète inlassablement des figures innovantes qu'il entend plaquer lors du grand rendez-vous de l'année. Dès vendredi à Minneapolis (Etats-Unis), débutent les X Games (les jeux olympiques des sports alternatifs) où il sera le seul Français.

"Partout où je vais je ne suis pas bon, je suis excellent", confie à l'AFP, sans arrogance mais avec force, le super champion de motocross freestyle (FMX), cette discipline à hauts risques qui consiste à réaliser des figures acrobatiques (des tricks) après s'être élancé très haut dans les airs depuis une rampe.

"Mon but à moi, c'est que les autres riders ne me rattrapent pas. Ce qu'ils font est parfait mais moi je suis passé à autre chose, je ne fais presque pas le même sport", poursuit-il.

Mi-juin, le Frenchie a rentré pour la première fois en compétition une figure de dingue: une double rotation avant sans les mains. Ce qui veut dire qu'il a tourné deux fois dans les airs en tenant sa moto... par les pieds !

- Ado en marge -

Personne avant lui n'avait réalisé une telle prouesse. Et c'est bien là le sens de sa vie depuis 6 ans: "Au début, ce que je voulais c'était vivre de ma passion jusqu'au jour où j'ai dit: +personne ne sera devant moi+".

A 33 ans, Tom Pagès continue seul de faire avancer son sport, né il y a 20 ans d'un délire entre des riders américains de motocross.

"Le public veut sans cesse voir de la nouveauté et Tom est le seul à en amener. Les autres riders proposent des variantes", explique son ami et mécano Romain Duceurnau.

En 2007, il a été le premier à signer une figure hallucinante, le flip double grab, que seule une poignée de riders est capable de faire dix ans plus tard. En 2014, il sort le bike flip (saut périlleux arrière où il rattrape la moto), classé comme la figure qui "a changé la face du FMX".

Qui aurait cru que cet adolescent en marge serait adulé des années plus tard par des dizaines de milliers de fans ?

"Je n'étais pas spécialement bien dans ma peau (...) c'est rude quand t'as 15 ans. Ce n'est pas un super bon souvenir", avoue-t-il.

- "No life" -

Avec son frère aîné, Charles, il s'éclate à moto dans le jardin de la maison familiale. Il obtient son BEP en optique lunetterie mais préfère les trois huit à l'usine pour passer plus de temps sur sa moto. Très vite, les deux frères se créent leur propre structure d'entraînement avec du matériel de récupération et c'est la success-story.

Charles est un fou furieux sur la moto quand Tom est réfléchi. Les relations entre eux sont conflictuelles et Tom peine à exister seul. En désaccord avec son frère et englué dans une routine, il sombre dans la dépression.

"Je n'avais plus envie de me lever, tu pleures tout seul dans ta chambre. Peut-être que j'avais besoin de tomber plus bas que terre, c'était peut-être trop facile", dit Tom Pagès qui remonte la pente avec l'aide d'une psychologue après s'être retrouvé sans argent.

En 2012, il se remet au travail. Seul. Son frère ne ride plus depuis un grave accident en compétition en 2010 (plusieurs jours de coma).

Passé en mode +no life+, il investit temps et argent dans sa passion. Il a construit un bac contenant 30.000 carrés de mousses pour les réceptions après les sauts (à raison d'un euro le carré). Il s'est équipé d'engins de chantiers pour aménager son terrain d'entraînement unique au monde.

Il s'entraîne 7 jours sur 7 de 7h30 à 22h00, et parfois dès 5h du matin. Il loge dans un mobil-home et son "nid douillet" comme il l'appelle, n'est autre que son garage à motos. Pas de fêtes de fin d'année, ni d'anniversaire, ni de vacances, ni de copines et presque pas d'amis.

"Vu que la moto c'est ma vie, si ça ne va pas dans la moto, ça ne va pas dans ma vie. C'est plus simple pour moi d'éliminer tous les facteurs extérieurs, comme les copines. Je suis seul et des fois je ne suis pas heureux mais je sais que je suis plus heureux comme ça que si je n'avais pas la moto", confesse celui qui n'a pas son permis moto et qui a déjà été sacré 2 fois aux X Games (2015 et 2016).

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