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Orages mortels en Corse: pourquoi l’alerte orange n’a pas été activée plus tôt par Météo-France?

En Corse, habitants et vacanciers se remettent lentement de la tempête qui a secoué l'île jeudi dernier. Elle a causé la mort de 5 personnes et provoqué des dégâts énormes. Aujourd'hui, les modèles de prévisions météorologiques sont remis en question. L'alerte météo a été lancée très tard jeudi.

Le 18 août à 8h07, le ciel corse s'est assombri. A 8h12, c'était le déluge. En 5 minutes, un orage inattendu à l'intensité sans précédent s'est abattu sur la côte. Il aura fallu 15 minutes à Météo-France pour annoncer le passage en vigilance orange alors que la veille des rafales puissantes avaient bel et bien été annoncées.

"Dans un de leurs modèles, il y avait une indication qu'il y aurait des rafales de 180 à 200 km/h sur l'île même. Mais les calculs suivants, après minuit, ont affaibli cela et ont déplacé la zone en Méditerranée et je pense que là, c'était un peu le problème", estime le météorologue David Dehenauw.

Si les modèles prévisionnels sont plus performants qu'il y a 10 ans, le changement climatique provoque une multiplication des catastrophes naturelles. Elles sont bien plus difficiles à déceler. Les erreurs de prévisions sont donc inévitables. 

"Ce qu'on fait en Belgique, avec la cellule Celex, la cellule en ligne qui est organisée par le centre de crise wallon, c'est se réunir en ligne et on parle des scénarios les plus probables. Mais on parle aussi des scenarii les plus pessimistes et des scénarios les plus optimistes pour que les autorités puissent en tenir compte enfin de prendre des mesures adéquates de protection pour la population", précise David Dehenauw.

La transparence envers le public est donc au centre de la stratégie de l'IRM (l'Institut royal météorologique), même si parfois, la nature reste imprévisible.

La Corse panse ses plaies 

Frappée jeudi par des orages meurtriers qui ont fait cinq morts à travers l'île, la Corse était encore sonnée vendredi, mais la menace désormais levée, l'heure était au bilan des dégâts.

Jeudi matin, un phénomène "exceptionnel" s'est abattu sur cette île méditerranéenne, selon Météo-France, avec des vents extrêmement violents de plus de 200 km/h, qui, en quelques heures seulement, ont provoqué des dégâts énormes.

"Un vent de mort", selon la formule en Une du quotidien Corse Matin vendredi.

Mais "l'Etat sera là, dans la fonction qui est la sienne, protéger dans la durée", a assuré le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, depuis Bormes-les-Mimosas (Var) vendredi.

A l'occasion de la cérémonie du 78e anniversaire de la libération de ce village par les troupes alliées, le président a également souligné que "ces cataclysme dévastateurs menacent hélas de se répéter et de s'intensifier".

"C'est pourquoi nous devrons repenser nos systèmes d'alerte, de sécurité", a ajouté le chef de l'Etat, alors que des critiques ont émergé face au déclenchement tardif de la vigilance orange par Météo-France jeudi matin.

L'alerte météo n'avait "pas permis de qualifier comme il le fallait ces vents" qui ont été "absolument exceptionnels", avait déclaré vendredi matin le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, sur le site d'un camping corse dévasté par les rafales de vent, en annonçant une enquête de la Sécurité civile.

Arrivé en Corse dès jeudi après-midi, le ministre s'est rendu vendredi matin à Calvi dans un camping sinistré, après une visite matinale au chevet de plusieurs blessés à l'hôpital d'Ajaccio.

Il a promis une reconnaissance mercredi de l'état de catastrophe naturelle et la mise en place d'un "guichet unique" pour que les entreprises affectées puissent "toucher très rapidement leur assurance".

"Nous avons des nouvelles plutôt rassurantes" des blessés "qui étaient entre la vie et la mort ou dont le pronostic vital était engagé", a-t-il affirmé.

Dans la crainte d'un nouvel épisode orageux dangereux, la Corse avait été placée une seconde fois en vigilance orange jeudi soir, avec une cellule interministérielle de crise activée.

Au total, quelque 12.500 personnes venant des différents campings de Corse avaient été "mises en sécurité" dans des écoles ou des centres sportifs pour la nuit de jeudi à vendredi, selon les préfectures.

48 bateaux échoués 

Après une nuit sans intervention notable des services de secours, la vigilance orange a été levée à 10H00 sur l'île, où près de 3.000 clients EDF resteront encore privés d'électricité vendredi soir, en attendant le renfort d'EDF Corse par des équipes d'Enedis.

Le plus lourd tribut à la tempête de jeudi a été payé par une famille autrichienne, avec la mort de leur adolescente de 13 ans, tuée par la chute d'un arbre sur sa tente, dans un camping de Sagone.

Egalement blessée, sa soeur n'était plus en urgence absolue vendredi. Très grièvement blessé, l'oncle des jeunes filles a lui été transféré à Bastia pour être opéré.

Une Italienne de 23 ans, grièvement blessée par une chute d'arbre à Calvi, était, elle, toujours hospitalisée en réanimation à Bastia et son état était "stationnaire" vendredi soir, selon la préfecture.

Les autres victimes sont une septuagénaire, tuée à quelques kilomètres du camping de Sagone par la chute du toit d'une paillote sur son véhicule, et deux personnes retrouvées en mer: un pêcheur de 62 ans et une kayakiste de 60 ans.

Vendredi après-midi, la préfecture maritime a indiqué qu'au total le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la Méditerranée (CROSS MED) avait effectué "110 opérations" sur des navires "désemparés en mer, en avarie ou échoués" qui ont concerné "près de 500 personnes". Sur "100 à 150 navires" concernés, "à ce stade, 48 navires ont été recensés échoués sur le littoral corse".

Mais "sous réserve des dernières vérifications en cours, il ne subsiste, à l'heure actuelle, aucune inquiétude connue directement liée à l'événement climatique du 18 août", a rassuré la préfecture maritime.

Il y a "un travail sur le moyen-long terme de nettoyage de la côte des bateaux échoués", avant "qu'ils ne deviennent un danger avec des débris flottants en mer ou un facteur de pollution", avait également indiqué à l'AFP vendredi le porte-parole de la préfecture maritime.

"Le paradoxe (...) c'est qu'on se réjouissait de cette pluie annoncée, car elle allait faire reculer les risques d'incendies", avait expliqué Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, vendredi matin sur Radio Classique: "Mais la pluie normale annoncée s'est transformée en un ouragan de vent meurtrier".

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