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Pacte: l'opposition sort la carte inédite du "RIP" contre la privatisation d'ADP

Initiative inédite et alliage rare de parlementaires contre la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP): l'opposition a enclenché mardi un "référendum d'initiative partagée" (RIP) pour tenter d'empêcher le gouvernement de vendre "la poule aux oeufs d'or" avec sa loi Pacte.

"Nous avons cherché les moyens (...) d'éviter l'irrémédiable" et ce projet de consultation des Français vise à rendre ADP "insusceptible de privatisation", a déclaré lors d'une conférence de presse le porte-parole des députés PS Boris Vallaud.

Il était entouré de députés et sénateurs de plusieurs bords, de LFI à LR en passant par les communistes, une "photo" rarissime, comme l'ont souligné des élus présents.

En débat depuis plus de six mois au Parlement, le projet de loi Pacte prévoit de supprimer l'obligation pour l'État de détenir la majorité du capital d'ADP (actuellement 50,63%). Depuis la première lecture en octobre, cette privatisation est devenue, après son rejet au Sénat, la principale pomme de discorde, certains pointant un "cadeau à Vinci", qui ne cache pas son intérêt.

Bruno Le Maire a lui défendu son projet de concession durant 70 ans comme la meilleure façon de garantir le développement de ce "fleuron".

Alors que 185 signatures sont requises pour lancer cette procédure jusqu'ici inédite depuis son introduction dans la Constitution en 2008, les parlementaires ont recueilli 197 paraphes contre cette disposition phare du projet de loi Pacte sur les entreprises.

Certains sénateurs signataires étaient retenus à la chambre haute pour cause d'examen en nouvelle lecture... dudit projet de loi, porté par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Rejeté au Sénat, il doit être adopté définitivement jeudi à l'Assemblée.

La proposition de loi référendaire de l'opposition prévoit dans son article unique que "l'aménagement, l'exploitation et le développement des aérodromes de Paris" - Roissy, Orly et Le Bourget -, "revêtent les caractères d'un service public national".

Elle doit désormais être validée par le Conseil constitutionnel puis signée par 10% du corps électoral (soit 4,5 millions de citoyens), pour pouvoir organiser le référendum.

Outre la centaine d'élus socialistes et la trentaine d'élus communistes des deux chambres, près d'une cinquantaine de LR ont apporté leurs voix dont l'ex-président de la commission des Finances Gilles Carrez, ainsi que 12 députés Libertés et territoires et des sénateurs RDSE et Union centriste.

Les députés LFI souscrivent à la démarche, a indiqué Eric Coquerel, précisant ironiquement que "des petits problèmes administratifs" avaient empêché un temps leur prise en compte. D'autres élus avaient évoqué en coulisses des réticences de LR à leur égard.

- "Sauve-qui-peut" -

Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes, a défendu cette "initiative totalement inédite" face, selon lui, à "la volonté du gouvernement de vendre la poule aux oeufs d'or". Le PS avait déjà cherché à recourir au "RIP" pour rétablir l'Impôt sur la fortune (ISF), mais n'avait pas eu les signatures requises.

"Nous ne voulons pas que soit à nouveau commise l'erreur de la privatisation des autoroutes", a insisté M. Vallaud, tandis que Gilles Carrez a récusé toute "position idéologique", se posant en défenseur de "l'intérêt général".

"C'est le sauve-qui-peut des oppositions (...) le match est presque terminé. Ils savent qu'ils l'ont perdu et ils essaient de le rejouer", a critiqué devant la presse le président de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée Roland Lescure (LREM), dénonçant un "consensus archéo-gaullo-communiste".

"Un référendum sur ADP, est-ce l'urgence du moment ? Il y a ceux qui travaillent et ceux qui font des conférences de presse", a aussi raillé sur Twitter Laurent Saint-Martin (LREM).

C'est "une entreprise politique" avec un "attelage surprenant", certains signataires ayant "beaucoup privatisé", avaient critiqué par avance des porte-parole des députés MoDem.

Selon une source parlementaire, le parcours du texte ne devrait pas être remis en cause par l'initiative de "RIP", qui "vient un peu tard".

Reste l'hypothèse politique d'une pression telle sur le gouvernement qu'il puisse y avoir promulgation de la loi "mais pas de lancement de la privatisation", à l'image du contrat première embauche (CPE) en 2006, promulgué mais jamais appliqué.

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