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Pédocriminalité dans l'Eglise: le président de la commission Sauvé expose ses travaux devant les évêques

"Souffrances", "traumatisme", "gestion" parfois "défaillante"... : le président de la Commission sur la pédocriminalité dans l'Eglise a rendu compte de ses travaux jeudi devant les évêques à Lourdes, à deux jours d'un vote de l'épiscopat sur un acte financier destiné aux victimes.

"La majorité des abus (sexuels) se sont produits dans les années 1950, 1960, 1970, beaucoup plus que dans les décennies ultérieures", a déclaré Jean-Marc Sauvé à la presse après avoir exposé les cinq premiers mois de travaux de sa Commission devant la Conférence des évêques de France (CEF) réunie dans la cité mariale jusqu'à dimanche.

Sa commission, la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise), à laquelle l'épiscopat a donné son feu vert l'an dernier, rassemble 22 membres chargés de faire la lumière sur les crimes commis par des clercs ou des religieux depuis les années 1950. Et doit rendre des préconisations début 2021.

Elle a lancé début juin un appel à témoignages auprès de victimes, lesquelles, quand elles acceptent, sont ensuite longuement auditionnées. En cinq mois, "2.800 signalements" ont été faits, via des appels téléphoniques, mails et courriers; 800 personnes ont répondu à un questionnaire détaillé et une vingtaine de victimes ont été entendues, a-t-il déclaré.

La plupart sont des hommes (61%), agressés lorsqu'ils étaient mineurs (86%), affirme M. Sauvé. Parmi ces derniers, 34% avaient 10 ans ou moins, et 35% avaient entre 11 et 15 ans. Ils ont aujourd'hui, pour un tiers d'entre eux, plus de 70 ans. Les auteurs sont à 98% des hommes; dont 71% sont des prêtres, "le reste étant des religieux" de congrégations. Dans 88% des cas, il n'y a pas eu de procédure judiciaire. Et pour une "part significative", il s'agit d'un premier témoignage.

- gestion "défaillante" par le passé -

"Nous percevons la souffrance et le traumatisme profond (...) vécus par les victimes, les blessures ressenties (...) et les séquelles", a-t-il souligné, évoquant une "gestion de ces affaires qui dans le passé a souvent été défaillante".

Il a aussi souligné la diversité des archives ecclésiales, après avoir reçu un état des lieux dans 85% des diocèses: dans certains cas, elles sont inexistantes (elles n'ont jamais existé ou ont été détruites), dans d'autres elles sont "documentées" et vont "faciliter" le travail.

M. Sauvé estime toutefois que l'appel à témoignages a été insuffisamment entendu à ce stade. Et s'apprête, dans les prochains mois, à le relancer lors d'un tour de France dans plusieurs régions.

Il s'exprimait deux jours avant le vote samedi de l'épiscopat sur le versement d'une "somme" financière portant "reconnaissance de la souffrance subie par les victimes", une question sur laquelle travaillent depuis un an les évêques et des personnes victimes.

Mgr Pascal Delannoy, responsable du sujet, a affirmé que cette "somme" - terme finalement préféré à celui d'"allocation" - serait "forfaitaire", "versée qu'une seule fois". Elle ne sera "pas un dédommagement", lequel est "l'affaire des tribunaux", ni une "réparation d'un préjudice". "Nous parlons de la reconnaissance" de la souffrance, a-t-il dit.

Selon plusieurs victimes reçues par les évêques jeudi, cet acte financier reconnaîtra finalement, dans son appellation, "l'indifférence, le silence, la mauvaise gestion, des défaillances, des dysfonctionnements de l'institution", a souligné une victime, Jean-Luc Souveton, pour qui "c'est un véritable effort". "Parler des +dysfonctionnements+, ça nous convient", a ajouté Véronique Garnier.

Son montant fait partie des discussions, mais ne sera pas décidé samedi, a-t-on appris auprès de la CEF. Seul sera décidé le processus d'attribution. Sera aussi soumis au vote le principe d'un fonds spécifique de dotation - qui pourra être alimenté par un appel aux dons des fidèles, mais aussi par des membres du clergé coupables, les évêques et les prêtres en général, les congrégations religieuses...

Le forfait concernera les victimes déjà passées par des procédures judiciaires ou celles pour qui les faits sont prescrits.

Dans les couloirs de l'assemblée plénière, certains se refusaient à reconnaître "la culpabilité de l'Eglise", quand d'autres proposaient au contraire que les "évêques soient les premiers cotisants" au fonds de dotation.

Ont aussi été évoquées les questions d'éventuels lieux de mémoire, d'inscription de prières spécifiques pour les victimes de pédocriminalité.

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