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Pédocriminalité dans l'Eglise: les évêques décident d'une "contribution" et reconnaissent leur responsabilité

Les évêques catholiques ont décidé vendredi de nouvelles mesures en faveur des victimes d'actes de pédocriminalité de la part de membres de l'Eglise, dont le versement d'une "contribution financière", et exprimé la volonté de l'institution d'"assumer sa responsabilité devant la société".

La France est en retard par rapport à des pays comme la Suisse, l'Irlande, la Belgique et les Etats-Unis, qui ont mis en place des indemnisations ou des formes de reconnaissance financière en faveur des victimes.

L'annonce des évêques français intervient à six mois de la publication des conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase) depuis les années 1950, qui a déjà estimé à au moins 10.000 le nombre de victimes en France.

Les mesures dévoilées vendredi pourront être éventuellement "complétées" après septembre, a souligné le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort (CEF), devant la presse.

Réunis pendant quatre jours, les quelque 120 évêques ont voté 11 résolutions, dont l'une stipule que "l'Eglise veut assumer sa responsabilité devant la société en demandant pardon pour ces crimes et pour ces défaillances".

Pour autant, la "contribution financière" annoncée "n'est pas une indemnisation ni une réparation", a insisté Mgr de Moulins-Beaufort.

Elle pourra revêtir deux formes : soit être "individualisée en fonction des besoins exprimés" par une victime (pour des soins de thérapie par exemple), tout en ne dépassant pas un plafond, soit être "forfaitaire" si la personne ne veut pas exprimer ses besoins, selon la CEF.

- Une dotation de 5 millions d'euros -

Pour la financer, d'ici la fin 2021 sera mis sur pied un "fonds de dotation ad hoc", doté de "5 millions d'euros (...) pour commencer", qui pourra être abondé par "les dons des évêques, des prêtres, des fidèles et de toute personne qui voudra y participer".

Cette somme sera déterminée par "une instance indépendante d'assistance", installée aussi d'ici fin 2021, et animée par une personne qualifiée qui sera l'"interlocuteur des victimes" et aura la charge "d'examiner (leurs) demandes et de décider les attributions".

Les premières contributions seront versées en 2022.

En 2019, l'épiscopat avait déjà décidé du versement d'une somme forfaitaire identique pour toutes les victimes. Mais ce dispositif a été gelé, mal perçu à la fois par des victimes et des fidèles. Il n'avait pas été prévu d'instance indépendante pour octroyer ce forfait.

Le diocèse de Lyon a récemment indemnisé quatorze victimes de l'ancien prêtre Bernard Preynat, via un fonds exceptionnel du diocèse.

Autres décisions qui concernent le volet "mémoriel" du travail avec les victimes: les évêques examinent l'idée d'un lieu de mémoire "si possible à Lourdes". En outre, une "journée de prière", voulue par le Vatican, aura lieu chaque année, le "troisième vendredi de Carême", à la mémoire des victimes.

Les évêques ont aussi décidé la mise en place d'ici à la fin 2021 d'un "tribunal pénal canonique (le droit de l'Eglise) national, qui n'existe pas aujourd'hui.

- Une "lettre aux catholiques" -

La mise sur pied d'une "équipe nationale d'écoutants" et la création d'une cellule de veille et d'accompagnement des prêtres coupables ont aussi été votées.

L'épiscopat va par ailleurs diffuser une "lettre aux catholiques" dans les paroisses pour souligner que "tous" sont concernés, en particulier "pour mettre au point le secours financier" aux victimes. "Il faut réunir les fonds nécessaires", enjoint la lettre.

Olivier Savignac, un de membres du Collectif de victimes Foi et Résilience, travaillant avec les évêques, s'est dit "satisfait de l'ensemble des propositions, notamment de la reconnaissance de la responsabilité de l'Eglise dans les actes perpétrés sur les enfants".

"Les termes employés admettent que l'Eglise a eu une complicité active et passive". "Gros bémol, les évêques jouent sur les mots" et "ne parlent pas d'+indemnisation+", relève-t-il toutefois.

"C'est une étape, même s'il y a encore des choses à approfondir", a souligné Jacques P., du même collectif.

Paule Zellitch, pour la Conférence des baptisés, un réseau d'associations de catholiques réformateurs, juge que "c'est plutôt aux diocèses de régler la note".

"Il n'y aura pas de réparation pleine et entière de l'Eglise", a regretté pour sa part François Devaux, cofondateur de La Parole Libérée, association de victimes lyonnaises. "C'est une erreur de ne pas attendre les recommandations de la Ciase. Les évêques ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, ils ont longtemps attendu pour donner des réponses, ils auraient pu attendre six mois de plus", a-t-il estimé.

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