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Pédophilie dans l'Eglise: la commission Sauvé prête à faire ses premiers pas

Bientôt "opérationnelle", la commission chargée par l'épiscopat d'enquêter sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Église depuis les années 1950 réunit des experts de plusieurs disciplines même si certaines victimes regrettent de ne pas y être représentées.

La création de cette instance, qui devra conclure ses travaux d'ici deux ans, avait été décidée en novembre par la Conférence des évêques (CEF) après plusieurs scandales, une lettre du Pape François l'été dernier appelant à lutter contre les "abus" et un appel de Témoignage chrétien à créer une commission d'enquête parlementaire.

Après plusieurs semaines de consultation, cette "commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église" (CIASE) est sur pied et "comprend 22 membres - 10 femmes et 12 hommes" qui se réuniront pour la première fois vendredi, a détaillé à l'AFP son président, Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’État.

Compétences juridiques, médicales, psychologiques et psychiatriques, secteur social et éducatif, protection de l'enfance, histoire et sciences sociales, théologie... La commission se veut "pluridisciplinaire et réunit des personnes toutes légitimes et reconnues dans leur champ", assure M. Sauvé.

Parmi elles figurent notamment Jean-Pierre Rosenczveig, ex-président du tribunal pour enfants de Bobigny, Philippe Portier, historien et sociologue des religions et de la laïcité, ou Astrid Kaptijn, professeure de droit canonique (droit de l’Église) de l'Université de Fribourg.

Sa mission, fixée par les évêques: "Faire la lumière sur les abus sexuels commis au sein de l’Église catholique sur des mineurs et des personnes vulnérables depuis 1950"; mais aussi "examiner comment ces affaires ont été traitées par l’Église", "analyser les raisons de ces abus et de ces traitements" et "faire toute préconisation utile après avoir évalué les mesures prises depuis le début des années 2000".

"L'écoute des victimes va occuper une place très importante", précise M. Sauvé, qui réfléchit à la mise en place d'une plateforme pour recueillir les témoignages.

S'il n'entend pas établir de responsabilités personnelles, il estime qu'"il ne faut pas s'interdire d'écouter des personnes impliquées dans des procédures judiciaires".

- "Aucun prêtre" -

"J'ai travaillé sans directive de la CEF (...), il n'y a eu aucune interférence", précise M. Sauvé. Sa commission comprend "des croyants de différentes confessions et des non-croyants". Il n'y a "aucun prêtre ni religieux d'aucun culte" et "pas non plus de personnalités impliquées" dans des affaires de pédophilie ou leurs victimes.

Un point que regrette François Devaux, président de l'association de victimes La parole libérée (ex scouts lyonnais). "Quand on voit la difficulté que les victimes ont à nous parler, je suis sceptique sur le fait qu'elles prennent contact avec une commission d'experts, de technocrates", explique-t-il.

"Je place beaucoup d'espoirs dans cette commission", mais "c'est dommage qu'aucune victime n'y soit présente", renchérit Olivier Savignac, l'une des victimes du prêtre Pierre de Castelet, condamné en novembre à Orléans à deux ans de prison ferme pour agressions sexuelles sur mineurs.

Les 22 membres de la commission y siègeront à titre gratuit. L’Église, selon une convention signée avec la CEF, fournira à la commission les "moyens financiers (...) nécessaires à l'accomplissement de ses travaux", notamment pour ses frais de fonctionnement (locaux, secrétariat, etc). "Aucun plafond n'a été fixé ex ante", dit M. Sauvé. Ce lien financier "ne porte en aucun cas atteinte à l'indépendance de la commission", assure-t-il et la "confidentialité des travaux" est "garantie".

Cette instance, opérationnelle dans trois mois, doit encore fixer "souverainement, ses méthodes de travail et son programme", dit-il.

La commission aura accès aux archives des diocèses et des institutions religieuses et consultera d'autres sources, comme la presse. A la fin de son enquête, elle rendra publiques ses conclusions dans un rapport.

"Depuis les années 2000 et l'affaire Pican (premier évêque condamné pour non dénonciation d'abus sexuels, ndlr), les archives sont loin d'être complètes, dans certains diocèses il y a eu du ménage", a déploré M. Savignac.

Le prêtre Stéphane Joulain, psychothérapeute spécialisé dans le traitement des abus sexuels des prélats, a estimé que ce n'était pas à l’Église, mais à l’État, de "faire la vérité" sur ce "problème de pédocriminalité", lors d'une audition au Sénat mercredi par la mission qui enquête, elle, sur les "infractions sexuelles" dans leur ensemble.

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