Accueil Actu

Pérou: le sort du président à nouveau entre les mains du Parlement

Le destin du président péruvien Pedro Pablo Kuczynski se joue à nouveau au Parlement, qui examine le 22 mars une deuxième demande de destitution en raison de ses liens avec Odebrecht, géant brésilien du BTP impliqué dans un vaste scandale de corruption.

Les représentants de partis se sont mis d'accord pour un vote "jeudi prochain", a déclaré à l'AFP une source parlementaire.

C'est la deuxième requête de ce genre en trois mois: en décembre, l'opposition n'avait pas réussi à réunir les deux tiers des votes nécessaires pour faire chuter le chef de l'Etat de centre droit surnommé "PPK", un ancien banquier de Wall Street âgé de 79 ans.

Par 87 voix pour et 15 contre, le Parlement monocaméral a de nouveau accepté de débattre puis voter sur une possible "incapacité morale" du président en raison de ses liens avec Odebrecht, soupçonné de corruption dans plusieurs pays d'Amérique latine. Le jour du débat, le chef de l'Etat pourra se défendre avec l'aide d'un avocat.

Pour que le débat s'ouvre sur le sujet, il fallait 51 votes. Pour que la destitution soit approuvée par le Parlement il en faut 87, soit le même nombre de voix obtenues jeudi, ce qui assombri l'avenir du président, au pouvoir depuis juillet 2016.

Cette nouvelle demande a été déposée par la gauche parlementaire minoritaire avec le soutien de la Force populaire (FP) de la grande rivale de l'actuel président, Keiko Fujimori, fille de l'ancien chef de l'Etat Alberto Fujimori (1990-2000).

Le camp favorable à la motion "a obtenu le nombre exact de votes nécessaires pour le destituer. C'est un nombre qui peut augmenter ou se réduire (...), ce qui laisse présager une guerre de tranchées entre les deux camps", a déclaré à l'AFP Luis Benavente, un analyste politique.

- Sommet des Amériques -

Le sociologue et expert politique Fernando Rospigliosi se montrait plus pessimiste encore: "Je ne crois pas que le président Kuczynski parvienne, en aucune manière, jusqu'à la fin de son mandat" en juillet 2021, a-t-il prédit à l'AFP.

M. Kuczynski est accusé d'avoir menti sur ses liens avec Odebrecht, le géant du BTP brésilien qui a reconnu avoir payé près de cinq millions de dollars à des entreprises de conseil directement liées au chef de l'Etat, alors ministre, entre 2004 et 2013.

"Je vais me défendre et je ne démissionnerai pas", a-t-il déclaré la semaine dernière. "Je n'ai rien à cacher et je suis disposé à déclarer en toute transparence devant les instances correspondantes", a-t-il tweeté jeudi après avoir été interrogé comme témoin par le procureur qui enquête sur le scandale Odebrecht au Pérou.

En cas de destitution, c'est son premier vice-président, Martin Vizcarra, qui prendrait sa place.

Cette nouvelle épée de Damoclès au-dessus du président Kuczynski survient moins d'un mois avant d'accueillir le sommet des Amériques, le 13 et 14 avril à Lima, où sont attendus une trentaine de chefs d'Etat, dont le président des Etats-Unis Donald Trump.

En décembre, alors que deux tiers des voix étaient nécessaires pour le faire chuter, soit 87 sur 130, la demande avait finalement obtenu, à l'issue du vote, 79 voix pour, 19 contre et 21 abstentions.

Il avait évité la destitution après avoir reçu le soutien du député Kenji Fujimori, le frère cadet de Keiko, et de neuf autres membres du FP.

Deux jours après, M. Kuczynski graciait Alberto Fujimori, qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité et corruption. Il a été accusé d'avoir négocié avec Kenji pour éviter sa destitution. Les deux parties ont nié toute entente.

Depuis, Kenji Fujimori a été exclu du FP, en raison de désaccords avec son leader, qui n'est autre que sa soeur Keiko.

Et dans la population, le vent souffle contre PPK: un sondage Ipsos publié dimanche a montré qu'une majorité de Péruviens (58%) souhaite sa destitution.

À lire aussi

Sélectionné pour vous