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Prison et inéligibilité maximale requises contre les Balkany

Dans une charge contre "l'acharnement à frauder" de "l'homme le plus honnête du monde", le Parquet national financier a requis jeudi inéligibilité et prison ferme contre le maire LR de Levallois-Perret Patrick Balkany et son épouse Isabelle, jugés à Paris pour fraude fiscale.

"Vous êtes un grand fraudeur fiscal Monsieur, de tels comportements notamment quand ils viennent d'élus ne sont pas tolérables", a lancé le procureur Arnaud de Laguiche à l'ancien député.

Contre le tonitruant maire de Levallois, commune huppée de l'ouest parisien, le magistrat a demandé quatre ans d'emprisonnement avec incarcération immédiate.

"Il faudrait l'envoyer en prison pour que tout le monde se régale ?", s'est insurgé son avocat, Eric Dupond-Moretti, appelant à ne pas ajouter à la condamnation de son client, qui a reconnu certains manquements, une "humiliation".

A l'issue de ce lourd réquisitoire, Patrick Balkany a pris brièvement la parole : "J'ai fait des fautes, c'est vrai". Puis, désignant le procureur : "Je l'ai trouvé excessif".

Contre son épouse et première adjointe Isabelle Balkany, toujours hospitalisée après une tentative de suicide le 1er mai, ont été requis quatre ans dont deux avec sursis, une peine aménageable.

Et contre tous deux, dix ans d'inéligibilité, le maximum, dix années d'interdiction de gérer une société, et la publication de leurs condamnations.

Le procès des époux étant divisé en deux, c'est uniquement sur le délit de fraude fiscale qu'ont porté ces réquisitions.

Le PNF déroulera un second réquisitoire au terme du principal volet du procès, une procédure pour blanchiment et corruption qui occupera le tribunal correctionnel jusqu'au 20 juin et dans laquelle ils encourent dix ans de prison.

Dans ce dossier de fraude fiscale, "vous jugez aujourd'hui l'homme le plus honnête du monde", a attaqué le procureur, moquant une sortie de Patrick Balkany sur un plateau télé.

"Un assaut de modestie qui se heurte à quelques chiffres", "pas le moindre euro versé au fisc" alors qu'ils menaient "grand train dans trois propriétés", et même 7.130 euros remboursés entre 2009 et 2014 grâce à des crédits d'impôts sur les salaires de leurs employés de maison.

- "Océan d'argent liquide" -

L'accusation et le fisc, qui avait porté plainte en 2015, reprochent aux époux de n'avoir pas payé d'ISF entre 2010 et 2015, malgré des actifs estimés à 16 millions d'euros annuels minimum. Mais également d'avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014.

Au total, les sommes éludées sont estimées à 4 millions d'euros, un montant vivement contesté par la défense.

L'accusation, et avant elle l'avocat du Trésor, ont longuement égrené la liste des avoirs parfois lointains des Balkany qui auraient dû entrer dans le calcul de l'impôt.

Isabelle Balkany a tardivement reconnu être propriétaire d'une luxueuse villa à Saint-Martin, Pamplemousse, achetée avec de l'argent familial issu d'un compte suisse et revendue pour 2 millions de dollars. "Ce modeste bungalow se louait 10.000 dollars la semaine et jusqu'à 21.000 à Noël", a raillé le procureur.

Outre cette propriété et leur moulin normand évalué à 4 millions d'euros par le fisc, le couple est notamment soupçonné d'être propriétaire d'un somptueux riad à Marrakech, ce qu'ils réfutent.

Le défenseur d'Isabelle Balkany, Pierre-Olivier Sur, s'est attaché à minimiser la valeur du moulin, "probablement invendable" car situé "à côté d'un parking géant", et de la villa antillaise, qui "vaut zéro parce que le dernier cyclone a tout balayé".

Pour l'avocat, la différence entre les revenus déclarés et les dépenses somptuaires du couple s'explique "sans aucune difficulté" par "la richesse considérable des familles".

Son confrère Eric Dupond-Moretti a pilonné une accusation fondée sur des estimations "non définitives" du fisc.

Quant aux espèces omniprésentes dans le dossier, "les explications des uns et des autres ne nous permettent pas de nous y retrouver dans cet océan d'argent liquide", a jugé le procureur. "Combien nous ont dit qu'ils n'ont jamais vu autant de billets de 500 ?"

Patrick Balkany a expliqué que le couple avait "mangé" son capital issu notamment d'héritages cachés en Suisse et évoqué l'écoulement de lingots d'or légués par son père. Mais "quand on vend un lingot d'or, il y a une trace", a observé le procureur.

"D'où vient le magot des Balkany ? Je n'en ai aucune idée", a-t-il résumé. "Je ne dis pas qu'il vous ment quand il évoque un héritage non déclaré, c'est possible, mais ça devait être taxé".

"Le seul regret" de Patrick Balkany, "c'est de s'être fait prendre", a encore étrillé le procureur.

Le jugement sera rendu le vendredi 13 septembre.

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