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Prisons: les syndicats de surveillants peu convaincus par Belloubet

Les propositions de la ministre de la Justice apaiseront-elles les surveillants ? Après neuf jours de mobilisation devant les prisons, les organisations syndicales ont été reçues jeudi à la chancellerie, une rencontre marquée par de "timides engagements", selon FO-Pénitentiaire, premier syndicat chez les surveillants.

Jeudi matin encore, des agents ont bloqué partiellement ou totalement plus d'une quinzaine d'établissements dans toute la France, notamment à Aix-en-Provence, Perpignan, Rouen et Béziers, selon la direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Une mobilisation en recul par rapport à la veille.

La situation était cependant toujours tendue au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne), où deux surveillants ont été violemment agressés par un détenu radicalisé le 5 mars, une attaque qualifiée de "terroriste" par la garde des Sceaux Nicole Belloubet.

Cette agression a relancé la mobilisation des surveillants, un an et deux mois après le mouvement de janvier 2018, le plus important depuis 25 ans dans les prisons.

Les organisations syndicales ont été reçues jeudi par Mme Belloubet. FO-Pénitentiaire a salué des "avancées" sur les questions de sécurité. "Les engagements pris sur le sécuritaire sont timides mais vont dans le bon sens", a déclaré à l'AFP Emmanuel Baudin, secrétaire général de ce syndicat, à sa sortie du ministère. "Par contre, sur le statutaire et l'indemnitaire, la ministre n'a pas répondu à nos attentes", a-t-il ajouté.

"Des expérimentations et des groupes de travail ont été annoncés, mais on craint que dans trois mois, tout ça fasse pschitt", a-t-il ajouté dans la soirée.

FO-Pénitentiaire, qui a lancé le mouvement de protestation, demande dans un communiqué aux personnels de se réunir avant lundi soir pour dire si l'organisation "doit accepter ou non les propositions" de Nicole Belloubet.

Pour Wilfried Fonck, de l'Ufap-Unsa, "il n'y a rien de nouveau" dans les propositions de Mme Belloubet: "C'est l'engagement de respecter les engagements pris en janvier 2018". Mais "on n'est pas dans l'idée de continuer" le mouvement, a-t-il dit. "Ca n'a rien à voir avec janvier 2018: les personnels ont été échaudés par les sanctions, les retenues sur salaire".

Pour la CGT-Pénitentiaire, "rien de concret" n'est sorti des discussions avec la ministre. "Cela ne répond pas du tout aux attentes des personnels".

- Quartier disciplinaire -

FO demande la classification des établissements selon la dangerosité des détenus, qui entraînerait une dotation spécifique en matériel de sécurité. La "typologie" des établissements est "en cours", assure le porte-parole de la chancellerie, Youssef Badr.

Emmanuel Baudin a demandé que chaque surveillant puisse être doté d'une bombe à poivre. La chancellerie préfère, elle, une dotation "en fonction de la classification des établissements". Quant aux pistolets à impulsion électrique, une expérimentation va être lancée une fois les conditions d'emploi définies.

La ministre a promis la généralisation des gilets pare-lame.

Les visiteurs des détenus seront-ils désormais fouillés? La question est posée depuis l'attaque de Condé : le détenu radicalisé a utilisé un couteau en céramique, apporté par sa compagne, pour agresser les surveillants. Des difficultés juridiques existent, a souligné Youssef Badr. "Une expérimentation pourrait être lancée" à Condé-sur-Sarthe.

Au niveau statutaire et indemnitaire, Nicole Belloubet a annoncé l'élargissement de l'accès pour les officiers à la catégorie B de la fonction publique. De plus, la prime de sujétion spéciale (PSS), attribuée pour compenser les contraintes et risques encourus, dont l'augmentation de 0,5% était prévue jusqu'en 2021, sera également en hausse en 2022.

Par ailleurs, en conséquence du mouvement de janvier 2018, un décret du 15 février durcissant le régime disciplinaire pour les détenus entrera vendredi en vigueur, avec l'objectif, selon une source pénitentiaire, de "restaurer l'autorité du surveillant". La possibilité de recourir au quartier disciplinaire sera étendue.

Depuis neuf jours, les blocages ont été difficiles pour les détenus, en particulier à Condé-sur-Sarthe, avec la suppression des promenades, l'interruption des parloirs etc. Saisi par deux détenus, le tribunal administratif de Caen a reconnu une "dégradation, très réelle, des conditions de détention", mais a jugé qu'il n'y a pas eu d'atteinte grave à la liberté fondamentale du "droit à la vie", ni eu de "traitements inhumains ou dégradants".

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