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Procès du 13-Novembre: la cour d'assises spéciale face à un accusé mutique

Absent du box des accusés depuis novembre, sauf brièvement le 6 janvier à la demande de la cour, Osama Krayem s'est présenté à l'audience du procès du 13-Novembre jeudi mais a systématiquement opposé son droit au silence à toutes les questions de la cour et des parties.

"M. Krayem, c'est bien d'être venu spontanément", l'a accueilli le président de la cour d'assises spéciale, Jean-Louis Périès.

Mais par la voix de son interprète, le Suédois de 29 ans, longs cheveux bruns, barbe épaisse sous un masque bleu, tout de noir vêtu, s'est contenté de dire en arabe qu'il n'avait aucune déclaration à faire et qu'il ne répondrait à aucune question.

Le 6 janvier, à la reprise du procès, son avocate, Me Margaux Durand-Poincloux avait lu une courte lettre de son client.

"Au début, je pensais m'exprimer devant cette cour. Puis, j'ai vu comment se déroulaient les débats et j'ai perdu espoir. Tout le monde fait semblant. Ce procès n'est qu'une illusion. Je ne pense plus aujourd'hui que m'exprimer sur ce qu'on me reproche change quoi que ce soit", écrivait M. Krayem.

D'où cette audience étrange, caractérisée par un long monologue du président Périès.

Le magistrat a rendu compte de plusieurs procès-verbaux d'audition de l'accusé, arrêté en Belgique en avril 2016 après les attentats de Bruxelles. Il devait être un kamikaze du métro mais avait finalement fait demi-tour avec son sac d'explosifs.

- Mur de silence -

Il est suspecté d'être l'un des principaux protagonistes de la cellule à l'origine des attaques qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015.

"Vous avez combattu, assisté à des exactions en Syrie (...) On peut se demander le niveau que vous aviez atteint au sein de l’État islamique, même si nous n'aurons pas de réponse sur ces éléments", a regretté le président Périès en évoquant notamment le rôle de M. Krayem dans l'assassinat d'un pilote jordanien brûlé vif dans une cage.

On a vu "la vidéo insoutenable" de cette exécution à l'audience, a rappelé le magistrat à l'adresse d'un accusé imperturbable.

"On avait envie de vous demander si vous avez participé à des combats, où, quand, comment", a-t-il poursuivi face à un mur de silence.

Le président n'a pas obtenu davantage de réponse quand il a cherché à détailler comment Osama Krayem, arrivé en Syrie en août 2014, au lendemain de son 22e anniversaire, était revenu en Europe en septembre 2015 par "la route des migrants".

Selon la DGSI, Osama Krayem a fait partie en Syrie d'un bataillon "d'élite" du groupe État islamique.

Convoqués comme témoins par la cour d'assises spéciale, Asma et Anas Krayem, la sœur et le frère d'Osama Krayem, n'ont pas répondu aux demandes de la justice française. En leur absence, le président Périès et ses assesseurs a dû se contenter de lire des extraits de leurs auditions en Suède.

- "Beaucoup d'humanité" -

En revanche, un témoin cité par la défense, le seul accepté par Osama Krayem parce que "neutre", Pierre-Jean S., un bénévole de 64 ans qui lui a donné des cours de français et de mathématiques dans sa prison en Belgique, est venu donner sa version de la personnalité de l'accusé.

"Abstraction faite des choses horribles qu'il a commises, M. Krayem est quelqu'un qui a beaucoup d'humanité", a rapporté le témoin, provoquant quelques soupirs parmi les rescapés et les proches des victimes des attentats présents dans la salle.

"Pour ma part, j'ai renoncé à le considérer comme un barbare. Et je me suis dit que j'allais continuer car c'était la seule voie qui me paraissait ouverte vers l'avenir", ajouté le témoin.

Il a justifié le mutisme de l'accusé en expliquant: "je crois que pour que M. Krayem s’exprime, il faut être dans une relation de confiance et je ne suis pas sûr que ce soit la situation dans laquelle il se trouve ici".

"J'essaie de comprendre quelles sont ces parcelles d'humanité dont vous nous parlez... Je ne viens pas dire que (M. Krayem) est inhumain mais qu'il a commis des actes cruels et inhumains", le corrige Me Gérard Chemla, un avocat des parties civiles.

Le procès doit se poursuivre vendredi avec l'interrogatoire de l'Algérien Adel Haddadi, qui avait quitté la Syrie et rejoint l'Europe par la route des migrants avec deux kamikazes du Stade de France.

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