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Rayan Nagaz, le bac dans un fauteuil

Tétraplégique de naissance, élève brillant, jeune homme attachant et discret, Rayan Nagaz, 17 ans, s'est fait une place au lycée Bonaparte à Autun (Saône-et-Loire), qu'il quittera une fois le bac en poche pour les amphithéâtres de la fac de médecine de Dijon.

"Il y a encore beaucoup de progrès à faire dans le domaine de la recherche médicale", explique-t-il, refusant cependant de réduire ce choix de carrière à son handicap. A cause d'un manque d'oxygénation de son cerveau à la naissance, il ne peut pas marcher sans aide et éprouve parfois des difficultés à écrire.

Avec une moyenne générale oscillant entre 16 et 17, il pouvait choisir la voie qui lui plaisait: excellent en maths, sa matière préférée, il est doué dans les autres matières scientifiques, mais aussi en langues, philosophie ou histoire.

"J'essaie d'être le plus polyvalent possible", dit-il simplement. Mais s'il se voit déjà dans un laboratoire de recherche, il lui faudra d'abord plancher sur son bac S, pour lequel il vise une mention "très bien".

Grand -1m85- et mince, Rayan se déplace chez lui dans un "cadre postérieur", armature en métal à roulettes qui lui permet de se tenir debout ou assis. Mais pour des raisons pratiques, c'est en fauteuil roulant qu'il passera le bac.

- Japonais -

Comme au lycée, où "il y a toujours un autre élève de la classe qui prend la clé de l’ascenseur et qui pousse son fauteuil" entre les cours, raconte Monique Vinay, sa prof de maths et enseignante principale.

Rayan, qui s'est fait des amis dans l'établissement, reconnaît que ce n'était pas si facile lorsqu'il était au collège. En médecine, "les étudiants seront moins surpris et oseront venir me voir", affirme-t-il.

Au premier abord, le garçon n'est pas très bavard. Puis sa voix nette, déjà adulte, et ses yeux marrons s'animent. Il explique s'être récemment piqué de japonais. "Les mangas m'ont donné envie d'apprendre la langue."

"Je suis fière!", lance sa maman, Sihem, une femme posée et souriante de 36 ans. Elle raconte le parcours de son fils, des débuts difficiles de la petite école à la révélation, au CP, où les capacités du garçon surprennent le maître d'école.

"Aujourd'hui, quand je vais rencontrer les professeurs, j'ai à peine le temps de m'asseoir, c'est toujours +tout va bien, il n'y a rien à dire+."

- En famille à Dijon -

Aîné de cinq enfants, le lycéen a grandi dans une famille musulmane d'origine tunisienne. Une famille qui s'apprête désormais à le suivre toute entière à Dijon pour ses études, à 90 kilomètres de là.

Un changement radical pour les deux frères et les deux soeurs de 6 à 15 ans, qui ont toujours vécu à Autun et rechignent à quitter leurs amis.

Un peu moins pour les parents: le père, Chafik, chauffagiste et électricien, voit d'un bon œil le déménagement dans une ville plus grande, même si leur demande de logement social en rez-de-chaussée est pour l'instant restée lettre morte.

Le jour du bac, le candidat pourra compter sur l'aide d'une assistante de vie scolaire (AVS), un ordinateur et un tiers temps supplémentaire. "Mais pour les épreuves scientifiques, je pense écrire moi-même à la main", précise Rayan, dont la copie, anonyme, sera semblable à toutes les autres.

Pour la géométrie, "il faut qu'il accepte que l'AVS trace les traits pour lui!", insiste la prof principale Mme Vinay, qui a noué une relation de confiance avec son élève. Il met parfois, dit-elle, un point d'honneur à ne "pas profiter" de son handicap.

A 58 ans, cela fait près de 30 ans qu'elle enseigne les maths dans cet établissement. "Les élèves brillants comme lui, c'est rare", affirme-t-elle, espérant que Rayan aura 20 dans sa matière. Rien de moins.

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