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Réforme de la justice: le Sénat va revoir la copie du gouvernement

Les sénateurs s'attaquent à partir de mardi à la réforme de la justice, critiquée par avocats et magistrats, avec la volonté de revoir la copie de la garde des Sceaux Nicole Belloubet, jugée "moyenne", voire "inaboutie".

Embolie des tribunaux, surpeuplement des prisons: les sénateurs, à majorité de droite, partagent avec la ministre le constat d'une réforme nécessaire, mais divergent sensiblement quant aux moyens.

"L'état de nos juridictions et de nos prisons ne répond pas aux attentes des citoyens", selon Mme Belloubet, qui va porter dans l'hémicycle durant près de deux semaines ce projet de loi "de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice".

Le vote solennel de ce texte, ainsi que du projet de loi organique sur le renforcement de l'organisation des juridictions qui l'accompagne, est prévu le 23 octobre. Puis les deux volets passeront à l'Assemblée en première lecture en novembre.

Le président LR de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas, parle lui d'une "urgence absolue" à "redresser" le service apporté par la justice aux Français.

Et d’égrainer les chiffres: il faut un an en moyenne pour obtenir une décision d'un tribunal de grande instance, plus de 40 mois pour un jugement d'assises.

"La priorité des priorités c'est de remettre à niveau le budget de la justice", martèle-t-il, jugeant que l'effort de 24% d'augmentation sur 5 ans promis par le gouvernement "n'est pas la hauteur des engagements présidentiels".

"L'annonce est appréciable, mais ça ne suffira pas", renchérit Yves Détraigne, co-rapporteur centriste avec François-Noël Buffet (LR).

Dès le stade de la commission, les sénateurs ont ainsi rétabli la trajectoire budgétaire adoptée par la Haute assemblée l'année dernière, qui prévoit une augmentation des crédits de 33,8% sur cinq ans (pour atteindre un budget global de 9 milliards d'euros en 2022), contre 23,5% dans le texte du gouvernement (8,3 milliards).

- "multiforme" -

La question budgétaire, abordée à l'article 1er, sera un "des points de combat difficiles" avec la ministre, anticipe M. Buffet auprès de l'AFP.

Le rapporteur pointe un texte "multiforme, multi-sujets". Il s'articule autour de grands objectifs: simplification des procédures civile et pénale, numérisation, organisation des juridictions et efficacité des peines.

La commission a approuvé le rapprochement entre tribunal de grande instance et tribunal d'instance, mais entend veiller à ce qu'il ne se traduise pas à terme par la suppression de tribunaux.

En matière civile, "le point sur lequel on va se battre, c'est la suppression de la conciliation" dans la procédure de divorce contentieux.

Autre point de désaccord: la volonté du gouvernement que soient dévolues au directeur de la Caisse d'allocations familiales "la détermination et l'exécution des pensions alimentaires".

Sur le volet pénal, "il n'y a pas de divergence de fond" avec le gouvernement, mais il "aurait pu être un sujet en lui-même, notamment en ce qui concerne l'échelle des peines", relève M. Buffet. "On a besoin de remettre de l'ordre là-dedans".

Les sénateurs ont rejeté la "comparution différée", procédure intermédiaire entre la comparution immédiate et l'information judiciaire, "un truc complètement dingo", selon M. Buffet.

Ils ont aussi restreint l'accroissement des prérogatives du parquet, qui allait "trop loin".

Ils ont en revanche accepté l'expérimentation du tribunal criminel départemental pour juger des crimes punis de 15 à 20 ans, et l'extension à de nouveaux délits des amendes forfaitaires.

Ils ont enfin ajouté un volet sur l'aide juridictionnelle, rétablissant un "droit de timbre" pour la financer et mettant en place un "filtre" pour juger de la recevabilité de la requête.

Globalement, "on était très critiques vis-à-vis du texte du gouvernement, la commission a encore aggravé les choses", juge un élu communiste.

Les sénateurs prendront position dès mardi matin en commission sur les amendements du gouvernement instituant un parquet national antiterroriste et un juge de l'indemnisation des victimes du terrorisme. Selon M. Buffet, "l'enjeu, c'est de savoir si c'est utile".

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