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RETOUR SUR - Le Printemps républicain, deux ans de combats et de controverses

Après les attentats de 2015, un "Printemps républicain" est arrivé, en défense de la laïcité: deux ans plus tard, ce mouvement est toujours clivant, accusé de "chasser en meute" ou au contraire salué pour son engagement contre l'islamisme, "obsession" assumée.

Printemps 2016: plusieurs centaines d'élus, intellectuels, citoyens se réunissent dans une salle parisienne pour lancer une nouvelle aventure, après une "année tragique" sur le front des attaques jihadistes.

Le Printemps républicain est né, brandissant un "manifeste" qui ne mâche pas ses mots sur une laïcité "remise en cause de toutes parts".

"L'extrême droite comme l'islamisme politique sont à la manœuvre pour tenter de jouer avec les peurs et les tensions qui traversent la société française", écrivent les premiers signataires, parmi lesquels les philosophes Elisabeth Badinter et Marcel Gauchet. La gauche n'est pas épargnée, le texte pointant un "éloignement", chez certains militants, des "principes républicains".

Le Printemps républicain jouit d'emblée d'un fort intérêt médiatique, avec des relais à gauche, principalement l'hebdomadaire Marianne, comme à droite, dans les colonnes du mensuel Causeur.

Mais d'autres médias pointent la propension de certains membres ou sympathisants à "chasser en meute" sur les réseaux sociaux contre des personnes dont ils réprouvent les idées. Dans le viseur des animateurs du Printemps républicain: un nouvel antiracisme dénoncé comme communautariste, un féminisme engagé à l'intersection de différentes luttes, les "entrepreneurs identitaires" réputés proches des Frères musulmans ou du salafisme...

- "Croisades" -

"A leur corps défendant, leurs croisades sont souvent les mêmes que celles de la droite identitaire", estime le responsable des "Décodeurs" au quotidien Le Monde, Samuel Laurent, qui a eu de vifs échanges avec les responsables du Printemps républicain. Et voit leur main derrière la polémique ayant ciblé la jeune chanteuse Mennel, contrainte de quitter l'émission The Voice pour d'anciens messages complotistes.

"On serait donc une sorte de groupuscule de laïques fous furieux dont le but serait de harceler en ligne des personnalités musulmanes", se désole le politologue Laurent Bouvet, l'un des principaux animateurs du mouvement.

"Il y a deux polémiques pour lesquelles on a joué un rôle de manière voulue: c'est l'affaire Mehdi Meklat (ex-chroniqueur mis en cause pour des milliers de messages haineux, notamment antisémites, NDLR) et la controverse entre Mediapart et Charlie Hebdo" autour de l'affaire Tariq Ramadan, admet l'universitaire, qui a pris parti pour le journal satirique contre le site d'Edwy Plenel.

Pour le reste, "on nous prête des choses aberrantes", assure-t-il. En revanche, le politologue revendique l'usage des réseaux sociaux pour sensibiliser un public, jeune notamment, "à des thématiques qui ne l'intéressent pas a priori, comme la laïcité".

L'éminence grise du Printemps républicain affirme défendre "une position de ligne de crête réfléchie, assez modérée", même s'il n'a cessé de dénoncer l'orientation de l'Observatoire de la laïcité, trop accommodante à ses yeux. Ce qui ne l'empêche pas de siéger avec son président Jean-Louis Bianco au Conseil des sages sur la laïcité mis en place par le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer.

Le Printemps républicain roule-t-il pour l'ancien Premier ministre Manuel Valls, dont le préfet Gilles Clavreul, cofondateur du mouvement, est un proche? "Nous avons évidemment des convergences, mais nous ne sommes pas d'accord sur tout, par exemple sur l'interdiction du voile à l'université", fait valoir Laurent Bouvet.

Dans le camp laïque, l'irruption de ce mouvement ne fait pas l'unanimité. "C'est calamiteux. S'il est vrai que près de 30% des musulmans mettent la loi de Dieu au-dessus de celle de la République (selon une étude de l'Institut Montaigne, NDLR), il ne faut pas leur cracher dessus tous les jours mais leur montrer que la vraie liberté est ici, en France, grâce à la laïcité", souffle un militant, qui préfère garder l'anonymat vu l'état "hystérique" du débat.

- "Force militante" -

"C'est un groupe de pression puissant dans un certain nombre de médias mais inexistant sur le terrain et qui, à part quelques grandes proclamations, ne produit rien intellectuellement", assène un autre observateur, qui refuse également d'être nommé.

Laurent Bouvet met au contraire en exergue le succès du rassemblement "Toujours Charlie" coorganisé par son collectif en janvier dernier et revendique la constitution d'une "force militante" de "800 à 1.000 adhérents".

Le Printemps républicain peut en outre se prévaloir de soutiens indéfectibles, comme l'ex-directeur de Charlie Hebdo Philippe Val. "On était quelques amis sur les mêmes combats, on était très seuls et beaucoup sont morts (dans l'attentat du 7 janvier 2015, NDLR). Je suis content qu'ils soient là aujourd'hui", confie ce dernier en déplorant "la violence dont ils font l'objet" sur la Toile.

Ils "continueront à faire entendre leur voix", a prévenu le président du mouvement, Amine El Khatmi. Lequel n'assume qu'une "obsession": l'islamisme, "idéologie au nom de laquelle" 245 personnes ont été tuées en France depuis 2015.

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