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Retraites: des opposants à la recherche de nouvelles formes d'action

Jets de tenues de travail, marches aux flambeaux, mais aussi interpellation houleuse d'Emmanuel Macron ou intrusion à la CFDT : alors que la mobilisation s'essouffle, des opposants à la réforme des retraites tentent de nouvelles formes d'action, parfois contestées, pour s'inscrire dans la durée.

Après 46 jours de conflit, "le gros de la vague de mobilisation traditionnelle, par la voie des manifestations et des grèves reconductibles, est en train de refluer progressivement", observe Stéphane Sirot, historien des mouvements sociaux.

"Pour autant, le mécontentement reste aussi vif", ce qui conduit les opposants à "trouver d'autres modalités d'action", poursuit-il.

Et de fait, les salariés ont encore "de l'imagination pour montrer leur mécontentement", observait le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, dans une interview publiée dimanche par Le Parisien.

Une créativité que l'on a vu fleurir dans les manifestations - à travers slogans, chansons ou "flash mobs" particulièrement relayés sur les réseaux sociaux - mais aussi en dehors.

Des avocats ont ainsi jeté à terre, symboliquement, leurs robes noires, des enseignants ont fait de même avec leurs manuels scolaires, des musiciens grévistes de l'Opéra de Paris ont donné un concert gratuit en plein air... Et dans plusieurs villes de France, les syndicats organisent des retraites aux flambeaux en sus des traditionnels cortèges de protestation.

Ces derniers jours, la contestation a aussi pris des formes plus déterminées. Vendredi, à Paris, des militants se sont introduits au siège de la CFDT, favorable au principe d'un système de retraite par points. "Ces violences sont une honte pour notre démocratie", a réagi Emmanuel Macron, qui a lui-même été visé dans la soirée par une manifestation improvisée devant le théâtre parisien des Bouffes du Nord, où il assistait à une pièce.

"Nous condamnons toute forme de violence", a commenté dimanche Philippe Martinez, notant cependant que "si c'est un simple rassemblement de protestation, cela ne me choque pas du tout".

- Mobilisations spontanées -

"Ce sont des actions d'interpellation dynamiques et fortes, mais pour moi, le terme de violence ne s'applique pas", a également dit à l'AFP Eric Beynel, porte-parole du syndicat Solidaires.

"On ne peut pas parler de radicalisation. C'est inadapté et déplacé", estime également Stéphane Sirot. L'historien souligne cependant que "face à un pouvoir politique qui joue le pourrissement, on voit surgir des formes d'intervention plus spontanées, dynamiques, moins contrôlables" qui donc "peuvent déraper, d'autant plus qu'elles ne sont pas encadrées stricto sensu par les syndicats".

Les grandes centrales seraient-elles donc en train de perdre la main sur le conflit ?

"On ne peut pas dire qu'on a la main ou qu'on contrôle. Si c'était le cas, on serait déjà en grève générale reconductible", ironise Eric Beynel. Le mouvement social, souligne-t-il, vit une "mutation" dans laquelle "les organisations syndicales ont une place et proposent des outils" aux salariés qui veulent se faire entendre.

Car "la verticalité du pouvoir et de certaines organisations syndicales, ça ne fonctionne plus", selon lui.

Reste que les formes d'action plus classiques, comme les grèves, n'ont pas dit leur dernier mot. Le métro parisien devrait certes retrouver un trafic quasi normal lundi, mais c'est parce que les conducteurs souhaitent "reprendre des forces" avant la prochaine mobilisation prévue vendredi, a souligné l'Unsa.

A la SNCF également, la grève "est loin d'être finie", a indiqué dimanche Cédric Robert, porte-parole de la CGT-Cheminots, qui annonce un "retour significatif des grévistes" pour vendredi.

Les transports ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés par les arrêts de travail : le musée du Louvre est resté fermé vendredi, et les transporteurs de fonds pourraient rejoindre le mouvement cette semaine. Quant aux marins et dockers, ils s'organisent pour faire grève en alternance, afin de perturber les activités portuaires, souligne M. Beynel.

Pour Stéphane Sirot, "le gouvernement n'en a pas fini avec ce mouvement social". Selon lui, "les lois vont sans doute passer, mais la contestation ne s'éteint pas".

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