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Retraites: la réforme en Conseil des ministres vendredi, les opposants jouent leur va-tout

Après deux ans de concertations et sept semaines de conflit, la réforme des retraites doit franchir une étape-clé avec sa présentation vendredi en Conseil des ministres, gouvernement et syndicats se renvoyant la responsabilité des actions coup de poing.

Deux projets de loi - l'un organique, l'autre ordinaire - visant à créer le "système universel" de retraite par points promis par Emmanuel Macron seront à l'ordre du jour de l'exécutif vendredi.

Ces textes seront aussitôt transmis à l'Assemblée nationale où les débats débuteront le 17 février, en vue d'un premier vote début mars.

Mais la guerre d'usure continue sur le terrain.

"Il y a deux agents en garde à vue à Périgueux, il y en a eu deux à Orléans, trois à Bordeaux, il y a ceux de la RATP, etc.", a énuméré mercredi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, en visite à la centrale de Gravelines (Nord).

"La conception de la négociation et de la discussion avec un mouvement de grève, c'est les gardes à vue. Je crois que ça, c'est jeter de l'huile sur le feu", a-t-il ajouté.

Deux syndicalistes agents d'Enedis (ex-ERDF) en Dordogne ont été placés quelques heures en garde à vue mercredi pour une coupure sauvage d'électricité, le 10 janvier, dans une entreprise classée Seveso. Ils sont ressortis libres et sans poursuite mais "l'enquête se poursuit", a assuré le parquet de Périgueux.

Mercredi, c'est la plus grosse centrale hydro-électrique de France, celle de Grand'Maison (Isère), qui a été mise à l'arrêt, selon la CGT-Energie.

Lors de la 7e journée d'actions programmée vendredi par l'intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU, CFE-CGC et organisations de jeunesse), la centrale de Montreuil essaiera de maintenir la pression. "Vendredi, c'est le jour ou jamais", a souligné Philippe Martinez.

- Haka -

La mobilisation continue d'être soutenue par une majorité de la population. Plus de six Français sur dix (61%) considèrent qu'Emmanuel Macron devrait retirer la réforme, une opinion en hausse de quatre points en un mois, selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi.

Épaulés par des égoutiers, des fonctionnaires ont jeté mercredi à la mi-journée bleus de travail, plots de signalisation, casques et gants, codes de la Fonction publique, crayons et câbles d'ordinateur devant le ministère des Finances, à l'appel de cinq de leurs syndicats.

Environ 350 salariés du commerce et des services selon la police avaient manifesté auparavant de la gare Saint-Lazare à l'Opéra. "On a 80% de femmes dans la distribution et beaucoup sont à temps partiel imposé et gagnent entre 600 ou 800 euros par mois. Le calcul de la retraite sur l'ensemble de la carrière va les pénaliser", a expliqué Amar Lagha, secrétaire général de la CGT-Commerce.

Dans le secteur maritime, trois jours de "ports morts" sont annoncés jusqu'à vendredi. A Marseille, Nantes-Saint-Nazaire et Le Havre, les perturbations se sont poursuivies mercredi au point que les acteurs du secteurs commencent à s'inquiéter de pertes qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros.

Dans les transports en commun RATP et SNCF, fers de lance de la contestation, le trafic est quasiment revenu à la normale, les grévistes souhaitant "reprendre des forces" avant vendredi.

De leur côté, les avocats ont maintenu la pression sur leur ministre Nicole Belloubet grâce à des actions spectaculaires, comme devant le tribunal de Bobigny où une cinquantaine d'entre eux ont fait un haka - deux traits tracés au noir sur leurs joues, écharpe rouge sur leur robe -, célèbre danse rituelle des guerriers maoris pratiquée par l'équipe de rugby de Nouvelle-Zélande, frappant leurs genoux, leur torse, leurs coudes.

- "Radicalisation" -

Devant les actions coups de poing qui se multiplient, l'entourage d'Édouard Philippe pointe la "radicalisation" d'une minorité de "jusqu'au-boutistes". Pour le député Adrien Quatennens (LFI), une "forme de radicalisation du mouvement" est "inéluctable dès lors que le gouvernement entend passer par la force".

Treize formations de gauche, dont le PCF, EELV et le PS, ont par ailleurs présenté un contre-projet de réforme, avec retraite minimum au Smic et meilleure prise en compte de la pénibilité.

Le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin et celui de l'Économie Bruno Le Maire ont reçu des lettres de menaces de mort, l'une d'elles réclamant l'abandon de la réforme, selon Bercy. Le parquet de Paris a ouvert une enquête.

En parallèle, les négociations se poursuivent entre gouvernement, syndicats et patronat sur des points-clés comme la pénibilité, le minimum de pension, les fins de carrière et l'emploi des seniors. Autant de sujets qui rendent incertain le coût final de la réforme, dont "l'équilibre d'ici 2027" est renvoyé à une "conférence des financeurs" censée trouver la martingale avant fin avril.

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