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Retraites: le pouvoir cafouille, la réforme s'embrouille

La polémique sur l'âge de la retraite enfle à l'approche de la réforme promise par Emmanuel Macron, l'exécutif et la majorité se divisant entre ceux qui poussent à "travailler plus longtemps" et ceux qui s'opposent au report de l'âge légal, sans que l'Elysée ne tranche le débat.

Bientôt trois semaines de confusion au sommet de l'Etat, déclenchée par Edouard Philippe, qui a le premier jugé "légitime" d'envisager que les Français travaillent "un peu plus longtemps".

Pas pour financer les retraites, selon le Premier ministre, mais pour dégager les milliards d'euros nécessaires à la réforme de la dépendance.

Aussitôt, Agnès Buzyn a abondé dans le même sens: "Je n'y suis pas hostile", a reconnu la ministre de la Santé, faisant valoir que "la durée de vie augmente d'année en année".

Puis son collègue des Comptes publics, Gérald Darmanin, s'est engouffré dans la brèche, estimant que la proposition était "très courageuse", "s'étudie" et "se regarde".

Une pluie de pavés dans la mare du Haut commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye, qui prépare le terrain depuis 18 mois avec syndicats et patronat, pour un projet de loi attendu cet été.

Cette concertation se basait notamment sur la promesse du candidat Macron d'un maintien de l'âge légal de départ à 62 ans dans le futur système "universel" censé remplacer les 42 régimes actuels. Un engagement réaffirmé noir sur blanc en octobre dernier.

Et de nouveau "confirmé" par le gouvernement, affirmait il y a deux semaines M. Delevoye, assurant que "le contrat avec les partenaires sociaux ne change pas d'un iota".

Mais en début de semaine, M. Darmanin a expliqué "qu'indépendamment de la réforme Delevoye" il y avait "une question de savoir si on fait une réforme d’âge", à laquelle il s'est dit "plutôt favorable".

- Ligne rouge et réticences -

En réaction, le Haut commissaire a réclamé mardi "une clarification du gouvernement" en faisant planer le spectre de sa démission: "Si les engagements concernant l'âge minimum étaient remis en cause, il en tirerait les conséquences", a indiqué son entourage.

Le soir même, il s'est entretenu en tête-à-tête avec M. Philippe, avant une réunion mercredi matin avec les ministres concernés par la réforme des retraites.

"Le mandat de Jean-Paul Delevoye n'a pas changé", a fait savoir Matignon, tout en rappelant la préférence du Premier ministre pour un financement "par le travail" de la réforme de la dépendance: "C'est plutôt ce en quoi il croit".

Une conviction partagée par ses anciens camarades des Républicains. Ces derniers jours, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Eric Woerth ont appelé à reculer l'âge légal à 65 ans. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a également estimé qu'"il faudra toucher au paramètre de l'âge".

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, est sur la même longueur d'onde: "Soit on ne touche rien et on va être obligés de baisser les pensions, soit on se pose la question".

Mais le sujet est une ligne rouge pour les syndicats. "Sinon il n'y aura plus de sens à discuter", a prévenu la CFDT. Mercredi, la CGT a exigé "la tenue immédiate" d'une "réunion multilatérale" et FO a menacé de "mettre fin à (sa) participation à la concertation".

Le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, a souligné en début de semaine le risque de "porter atteinte au lien de confiance établi par le Haut commissaire avec les syndicats".

Les députés de la majorité sont aussi réticents. Un de leurs groupes de travail sur la dépendance a averti du "risque politique" lié à une éventuelle annonce d'un allongement de l'âge de départ à la retraite.

"Le relèvement de l'âge est une fausse bonne idée", proclamait même un projet de tribune rédigé par l'élue de Haute Garonne Corinne Vignon, remisé à la demande de Gilles Le Gendre.

Le patron du groupe LREM a toutefois déclaré mercredi partager "l'exaspération du président de la République" sur cette polémique. Mais ce dernier ne s'est pas encore exprimé publiquement.

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