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Sécurité, responsabilité pénale: reprise dans le vif pour les députés

Le projet de loi visant à retoucher le régime de la responsabilité pénale après l'affaire Sarah Halimi, a provoqué mardi, ses premières étincelles entre le Garde des Sceaux et les oppositions, au premier jour de son examen.

Habitué aux passes d'armes parfois musclées avec les députés de droite comme de gauche, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti n'a pas dérogé à la règle en multipliant les accrochages avec le LFI Ugo Bernalicis ou les députés LR Julien Aubert ou Brigitte Kuster, tous opposés à la réforme gouvernementale mais pour des raisons diamétralement opposées.

La droite veut muscler le texte quand la gauche estime qu'il agite des peurs sécuritaires. 400 amendements ont été déposés sur ce projet de loi dont l'examen doit durer jusqu'à jeudi et qui porte aussi toute une série de mesures sur la sécurité qui seront défendues par son homologue de l'Intérieur.

La réforme de la responsabilité pénale répond à une demande en avril du chef de l'Etat après la vive émotion provoquée par l'absence de procès dans l'affaire Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée par un voisin, consommateur de cannabis, en proie à une "bouffée délirante", selon les experts psychiatres, et déclaré irresponsable.

Pour y répondre, le gouvernement maintient la règle générale selon laquelle "on ne juge pas les fous" mais ajoute deux exceptions.

Il s'agit d'abord de réprimer le fait pour une personne d'avoir consommé des produits psychoactifs, comme stupéfiants ou alcool, en sachant que cela pouvait la conduire à des violences ou un homicide dont elle a été déclarée irresponsable. "Il ne s'agit pas de réprimer l'acte commis mais l'absorption volontaire de psychotropes", résume le garde des Sceaux.

Un tel dispositif aurait-il pu s'appliquer à l'affaire Halimi? se sont interrogés les députés. Rien n'est moins sûr. "On ne peut pas ici (...) refaire le jugement de l’affaire Halimi", a cependant nuancé la socialiste Cécile Untermaier.

Autre exception "très limitée" à l'irresponsabilité pénale, sans lien avec l'affaire Halimi: lorsque l'abolition du discernement résulte de la consommation proche de psychotropes dans le but de commettre une infraction.

Cette disposition contenue dans l'article 1 du texte a été adoptée par les députés dans la soirée.

"Nous avons (...) réussi à trouver un subtil équilibre entre l'exigence de nos grands principes et la volonté exprimée par les Français", s'était félicité le garde des Sceaux en ouverture de la discussion.

"C'est une réponse politicienne à une émotion dans le pays (...) vous agitez les peurs", a cinglé M. Bernalicis.

"Faire la démonstration de l’intention de commettre un meurtre au moment de la prise de stupéfiants, bon courage!", a-t-il encore ironisé.

L'article 1 "sera inopérant", a regretté Eric Ciotti. Les LR ont défendu une kyrielle d'amendements pour faire sauter l'irresponsabilité pénale en cas de consommation de stupéfiants, quel que soit l'état psychiatrique du suspect.

"Dites que vous voulez condamner les fous et assumez le!", a répondu M. Dupond-Moretti régulièrement excédé.

Les déclarations d'irresponsabilité pénale restent peu nombreuses en France: 58 cas en 2019, 80 en 2018 et 68 en 2017, selon la Chancellerie.

Le ministre et la majorité ont également été asticotés par la droite après la reprise des débats vers 21h30 aussitôt suivis par une longue suspension de séance d'un quart d'heure.

Celle-ci a été mise à profit pour garnir les rangs de la majorité alors que certains députés s'étaient attardés à une réception organisée en début de soirée à Matignon en présence des élus LREM, Modem et Agir.

"La première marque de respect c’est d’être à l’heure", a grincé Philippe Gosselin (LR). "Nous étions majoritaires à ce moment dans l’hémicycle", s'est écriée sa collègue Brigitte Kuster.

Au volet sensible du projet de loi autour de la responsabilité pénale que les députés aborderont à nouveau mercredi dès 15 heures, le gouvernement a ajouté une ribambelle de dispositions qui satisferont les forces de sécurité.

Ainsi, les violences à l'encontre des agents de leurs familles seront plus durement réprimées, la lutte contre les rodéos motorisés ou les refus d'obtempérer renforcée, de même que le contrôle des détenteurs d'armes.

En outre, l'exécutif revient à la charge pour autoriser les captations vidéos dans les locaux de garde à vue, ainsi que les drones et caméras embarquées dans les véhicules des forces de l'ordre. Ces mesures de la loi Sécurité globale avaient été censurées en mai par le Conseil constitutionnel, faute de garanties suffisantes sur le respect de la vie privée.

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