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Service national universel: Macron à l'heure des arbitrages

Un service national d'un mois obligatoire pour tous les jeunes, dont deux semaines d'internat, progressivement mis en place sur sept ans: les propositions du groupe de travail mandaté par l'Elysée sont entre les mains d'Emmanuel Macron, qui doit désormais trancher.

Le rapport du groupe de travail sur le service national universel (SNU) présidé par le général Daniel Ménaouine, dont l'AFP s'est procuré copie, a bel et bien été rendu fin avril à la présidence, ultime arbitre de la forme que prendra cette promesse de campagne du chef de l'Etat.

"De premières décisions seront probablement annoncées dans les prochaines semaines", a prudemment déclaré mardi sur RTL la ministre des Armées, Florence Parly, sans plus de détails.

Ce rapport, dont Les Echos ont déjà publié les grandes lignes, préconise la mise en place d'un tronçon obligatoire d'un mois pour les jeunes de 15 à 18 ans, dont deux semaines en internat, pour renforcer la mixité sociale et la cohésion républicaine -- suivi d'une phase d'engagement citoyen de "trois à six mois, avant 25 ans".

Une fois en vitesse de croisière, le SNU coûterait 1,6 milliard d'euros, un montant "raisonnable", estiment les auteurs, qui pointent toutefois plusieurs difficultés à surmonter: encadrement, nécessaire révision de la Constitution, mais aussi hébergement. Les internats scolaires risquent de ne pas suffire, il faudra donc investir quelque 1,75 milliard d'euros dans de nouvelles infrastructures, juge le rapport, qui exclut le recours aux casernes militaires.

Les auteurs suggèrent ainsi de se donner du temps pour mettre en place le dispositif, qui débuterait mi-2019 par une phase pilote, avant d'être progressivement étendu à 700.000 jeunes d'ici 2026.

Surtout, ils recommandent d'organiser au préalable une consultation de la jeunesse, afin de déminer les risques d'opposition à ce projet "s'il était mal compris ou mal conçu". Un avis prudent, à l'heure où les lycéens doivent déjà digérer de nouvelles modalités d'accès à l'université et une réforme du bac récemment annoncée.

- questions juridiques -

Le dossier du SNU est hautement sensible.

A l'origine, le candidat Macron avait promis en mars 2017 de rétablir un "service militaire universel", obligatoire et d'une durée d'un mois. En février, le chef de l'État s'est finalement prononcé en faveur d'un service "obligatoire" d'une durée totale de "trois à six mois", en le recentrant sur un engagement plus civique que militaire, alors que les armées, déjà très mobilisés sur le front des opérations, redoutaient d'être fortement mises à contribution.

Mais l'instauration d'un tel dispositif continue de susciter méfiance et perplexité en raison de son coût potentiel, du casse-tête posé par l'accueil de centaines de milliers de jeunes par an ou encore des problèmes juridiques qu'il pourrait soulever.

Trois sénateurs membres de la commission des Affaires étrangères et de la Défense ont souligné mi-avril "les nombreuses difficultés matérielles, financières et juridiques" que laisse entrevoir ce projet.

Avant eux, plusieurs rapports avaient déjà mis en exergue les problèmes posés par l'instauration d'un SNU obligatoire.

Un rapport parlementaire publié en février suggérait lui un "parcours de citoyenneté" renforcé, échelonné tout au long de la scolarité.

Dans un rapport remis fin janvier au ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ), qui réunit les acteurs majeurs des politiques jeunesse, préconisait que ce service ne soit pas obligatoire afin notamment d'éviter "une rupture" dans le parcours scolaire, professionnel ou dans la vie personnelle des jeunes.

Un rapport rédigé par cinq inspections générales, remis en novembre à Matignon et dont l'AFP s'est procuré copie, évoquait de son côté d'"importantes questions" juridiques soulevées par un SNU dont le volet "internat" pourrait contrevenir à la liberté d'aller et venir, garantie par la convention européenne des droits de l'Homme.

"Le caractère obligatoire du futur dispositif va devenir de plus en plus central dans le débat public en raison des questions concrètes qu’il soulève", prédit la chercheuse Bénédicte Chéron dans une note de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM).

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